Archives de catégorie : Monde du travail

Pour une sexualité libre et gratuite

Pénalisation de la prostitution, légalisation de la prostitution

Texte de positionnement du groupe Albert Camus de Toulouse.

Le système prostitutionnel au cœur des systèmes de domination (sexiste, capitaliste et raciste)

La prostitution peut être considérée comme « l’usage, contre rémunération, du corps des femmes par les hommes, dans leur intérêt »1 ou bien comme une activité caractérisée par un contact sexuel, une rémunération liée à cette ‘prestation’ et la nature répétée ou habituelle de l’activité2. On parle de système prositutionnel ou de fait prostitutionnel car son existence et son évolution ne peut se réduire aux seul-e-s individu-e-s qui le composent.

La majorité des personnes qui se prostituent sont des femmes et la majorité des consommateurs sont des hommes. La prostitution offre la possibilité aux hommes de bénéficier d’un « service » sexuel marchand dans le cadre d’un rapport structurellement inégalitaire, où la sexualité n’est envisagée qu’au prisme du pseudo plaisir masculin. Il ne s’agit pas pour nous de nier la complexité des situations, tant du point de vue des profiteurs (clients, proxénètes) que des personnes prostituées, mais de resituer la prostitution dans le cadre d’un système global d’échanges économico-sexuels, avec ses profiteurs et ses exploité-e-s.

Un grand nombre des personnes prostituées sont issues de pays pauvres et sont sous la coupe des trafiquants et des proxénètes. Si les chiffres varient d’une étude à l’autre3, elles n’en constituent pas moins l’écrasante majorité des prostituées. On ne peut donc pas évoquer la question de la prostitution sans comprendre les raisons politiques et économiques qui conditionnent la traite des être humains. Les États sont les meilleurs alliés des proxénètes, en limitant les conditions d’accès à la nationalité par des contraintes juridiques complexes, plaçant d’innombrables personnes en situation de clandestinité. Les proxénètes en profitent allègrement, en instrumentalisant l’illégalité de l’immigration pour exercer des violences physiques et/ou symboliques envers les femmes migrantes (qui n’ont pas toutes pour projet de se prostituer4) et les mettre sous tutelle forcée.

Sous l’effet conjugué de la mondialisation libérale et d’une certaine libéralisation sexuelle, l’industrie du sexe s’est considérablement développée en Europe de l’Ouest. Ce commerce juteux comprend la prostitution sous toutes ses formes (les services d’escorte, les clubs de striptease, les « bars d’entraîneuses », certains « salons de massages », cyberprostitution …) la pornographie, le téléphone rose, les journaux et magazines spécialisés … Au total, ces différents échanges à caractère sexuel rapportent un chiffre d’affaires de plusieurs dizaines de milliards d’euros au niveau mondial, certaines sociétés se payant même le luxe d’être cotées en bourse5.

Abolir la prostitution ou « nettoyer » les villes

Les conditions de vie sociale et économique, les politiques de limitation de l’immigration, les rapports sociaux empreints de domination masculine sont autant de raisons de voir aujourd’hui encore la prostitution exister et se développer.

Outre son caractère illusoire, la pénalisation sous toutes ses formes ne règle en rien les conditions socio-économiques des personnes prostituées et les rend davantage vulnérables.

Dans la droite ligne de la LSI de 2003 qui punit le racolage actif et passif et qui prétendait déjà protéger les prostituées, le gouvernement PS prétend combattre l’exploitation sexuelle en poursuivant les clients. Cette pénalisation n’a pour seul effet que de pousser à la clandestinité les personnes prostituées, de les reléguer loin des contrôles policiers et donc souvent dans des zones isolées où elles sont davantage soumises à la violence des clients. De plus, elles auront un accès plus difficile aux soins et aux aides proposés par les différentes associations qui agissent auprès des prostituées. Enfin, cette potentielle répression envers les clients obligera les personnes prostituées à proposer un service « au rabais » (rapports non-protégés, tarif à bas coûts) pour éviter une intervention policière6.

Derrière les discours faussement féministes du gouvernement, la nouvelle loi dite de pénalisation des clients aura pour unique effet de débarrasser les villes de la prostitution en espérant rassurer les électeurs-trices, sans se soucier des lourdes conséquences qu’elle aura sur les prostituées.

Légalisation de la prostitution : vers un capitalisme patriarcal

Les revendications de certaines personnes prostituées en faveur d’une légalisation de la prostitution qui permettrait d’obtenir les droits sociaux liés à tout travail licite, ne résolvent pas plus la question. Nous soutenons évidement les revendications tendant à demander que l’ensemble des individu-e-s bénéficient des mêmes droits sociaux élémentaires permettant à chacun-e de vivre de façon la plus décente possible dans ce système profondément inégalitaire. En revanche que ces droits sociaux soient liés à l’exercice de ce qui est nommé en l’espèce « travail du sexe » ne tient pas compte de l’ensemble des situations des prostituées.

S’il est caricatural de dire que toutes les prostituées sont dépendantes d’un souteneur, ou soumises à un réseau de traite, il est tout aussi faux de prétendre qu’elles bénéficieraient toutes des avantages d’une légalisation. Si la prostitution est exercée « librement » par certaines, elle reste un esclavage pour d’autres. Certaines prostituées disent en effet ne pas vouloir être enfermées dans un statut qui signifierait pour elles une légitimation d’une activité qu’elles exercent sous contrainte ou par contrainte. La légalisation de la prostitution légitimerait ce type d’activité en tant qu’activité marchande.

Puisque le système capitaliste et l’Etat en feraient un service légal, l’existence de ce service serait légitime. Les représentations machistes sur la sexualité masculine en seraient davantage confirmées : besoins naturels « irrépressibles » de sexualité, volonté de pallier aux carences conjugales… Ce service s’intégrant dans une économie capitaliste, il devient technique, se transforme en loisir où le client choisit sa prestataire selon le meilleur rapport qualité/prix. Le client peut même s’il le souhaite, comme l’ont écrit certaines prostituées, acheter uniquement un échange verbal avec une travailleuse du sexe.

La prostitution transforme un rapport humain en rapport marchand et sa légalisation servirait l’industrie du sexe (cf. le développement des Eros center dans les pays qui l’ont réglementé). Elle ne résout en rien les conditions d’existence de beaucoup de prostituées qui ne pourraient bénéficier d’un statut parce que sans papiers ou victimes de réseaux mafieux.

La légalisation aurait par ailleurs des conséquences sur l’ensemble des femmes et des individu-e-s. S’il est possible pour quelques femmes d’en faire leur travail indépendant ou salarié, il sera alors possible que le système exige que n’importe quelle femme exerce potentiellement ce travail là (les annonces Pôle emploi pour des emplois d’hôtesse nous prouve qu’il ne s’agit pas de politique-fiction).

Travail du sexe : le trompe-l’œil d’une sexualité libérée

La prostitution repose sur le fondement patriarcal de nos sociétés qui institue une socialisation des hommes comme dominants. Dans cette socialisation on apprend aux hommes qu’il est possible de payer pour vivre leurs sexualités. La prostitution s’appuie sur la représentation séculaire du désir masculin en termes de besoin. En témoigne la mise en place des bordels de campagne, ou les services que l’industrie du sexe est capable de mettre en place autour des événements sportifs, ou même plus récemment la façon dont le débat sur la demande d’assistant sexuel auprès des personnes handicapées a pu dériver. Observons qu’il n’y a pas d’équivalent proposé aux femmes. Cette représentation sur la sexualité des hommes qui serait, un besoin, qui plus est un besoin que la société toute entière doit se soucier d’assouvir est particulièrement tenace. Il s’agit d’une légitimation d’une sexualité déresponsabilisée des hommes. Des femmes sont mises à disposition des hommes pour assouvir leur soit disant « besoin » alors qu’il s’agit de désir, désir qui s’exerce dans un contexte social et économique inégalitaire entre les hommes et les femmes, donc inégalitaire dans le rapport prostitutionnel.

La socialisation des femmes en dominées, elle, repose sur l’idée qu’il y a de bonnes et de mauvaises femmes : les bonnes étant celles qui sont hétéro, mères ou s’apprêtent à le devenir, disposées à faire fonctionner le privé en y travaillant ou en y faisant travailler d’autres femmes et qui, pourrait-on ajouter dans notre société occidentale, restent belles mais pas trop…

Les mauvaises femmes bien évidemment sont celles que l’on stigmatise, celles qu’il ne faut surtout pas devenir : les « putes ». Ces dernières sont seules tacitement autorisées à afficher sans limite leur corps et la promesse d’une sexualité qu’elles vendent comme étant la leur mais qui est surtout celle des hommes-clients. La prostitution témoigne donc de cette division entre femmes, produite par le système de domination masculine. Outil de hiérarchie donc, qui freine voire empêche toute solidarité.

Afficher une sexualité marchande représente-il une libération sexuelle pour tous et toutes ? La transformation d’un acte sexuel en service sexuel rémunéré a depuis toujours servi le morcellement des corps et une érotique mécanique. La prostitution a nécessité la codification des actes sexuels pour en définir leur valeur marchande. Elle divise les corps en parties ayant une plus ou moins grande valeur ajoutée, en parties sur lesquelles il faut exercer son érotisme. Comment voir une libération dans cette Economie du corps. Si cette vision de la sexualité l’emporte, si elle devient légale, il est à craindre qu’elle ne devienne encore un peu plus la norme. Le conservatisme sexuel l’emportera au dépend d’une libération sexuelle de tous les individus.

Si la prostitution n’est pas seulement exercée par des femmes, des transgenres ou des hommes homosexuels, ce sont bien des hommes qui en sont quasi exclusivement les clients et des hommes qui sont presque toujours les proxénètes. Cette dissymétrie conforte l’emprise masculine sur le corps des femmes, cet accès au corps des femmes à des fins jouissives, composante majeure de la hiérarchie.

La prostitution : l’affaire de toutes et tous

L’abolition de la prostitution ne peut se proclamer du jour au lendemain et ne se réglera pas par une quelconque pénalisation, fusse-t-elle des individus qui ont une responsabilité évidente dans son existence, les clients. Les propos moralistes qui consistent à stigmatiser la prostitution en la qualifiant d’activité honteuse ou à simplifier les situations qui ont amené les personnes à entrer dans la prostitution ne régleront pas davantage cette question sociale.

La prostitution est le produit des systèmes de domination tout autant qu’elle alimente ces systèmes. Aussi, il est important de distinguer la question politique que pose la prostitution de la question sociale que posent certaines prostituées. Si la prostitution représente pour la plupart un moyen de subsistance et pour certaines une activité exercée « librement », elle est aussi un moyen concret et symbolique de soumettre l’ensemble des femmes à l’ordre sexuel dominant. Il s’agit donc d’une question qui concerne tou-te-s les individu-e-s et plus particulièrement l’ensemble des femmes.

Pour une sexualité libre et gratuite

Il ne s’agit évidemment pas de réprimer le fait que certain-e-s individu-e-s et en particulier des femmes passent leur temps à avoir une activité sexuelle affichée, plurielle dans ses formes comme dans ses partenaires. En dehors de tout système de domination, il s’agirait là de libertinage. Mais le libertinage n’a rien de comparable à un service sexuel surtout quand celles qui le pratiquent le revendique comme « travail du sexe ».

Par sa construction sociale et historique la prostitution et/ou le travail du sexe s’ancrent dans une démarche de marchandisation d’un service sexuel répondant aux exigences normatives du système patriarcal. Si les maux du capitalisme et du patriarcat ne se guérissent pas à coup de lois, certaines les creusent un peu plus. Un statut légalisant la prostitution enfermerait davantage tous les individus dans l’ordre sexuel dominant.

Sur cette question comme sur les autres, les revendications immédiates ne peuvent s’envisager qu’au regard du projet politique anarchiste à long terme. Réglementer la prostitution c’est concéder à l’État une légitimité pour légiférer sur le statut du corps et de la sexualité.

Est-ce que l’on veut la généralisation de la forme prostitutionnelle des rapports humains ou veut-on persévérer dans l’action transformatrice de la société et des rapports sociaux ?

Aujourd’hui face à la précarité sociale et économique, seule la régularisation de tou-te-s les sans-papiers, le refus de toute autre forme de pénalisation de la prostitution, l’égalité économique et sociale pour toutes et tous permettront de lutter contre l’exploitation sexuelle sous toutes ses formes.

1 http://www.sos-sexisme.org/infos/systeme.htm

2 http://www.sos-sexisme.org/Prostitution%20SITE.htm

3 70% selon le rapport Prostitution et Mondialisation. Mondialisation des origines, hétérogénéité des parcours et processus identitaires, Saïd Bouamama (dir.), Jessy Cormont, et Yvon Fotia, IFAR, Amicale du Nid, Altair, RAIH, Paris, Amicale du Nid, 2007, p. 117 (en ligne : http://sereconstruireetsinserer.e.s.f.unblog.fr/files/2008/05/interieur.pdf)

4 Ibid. (voir source précédente)

5 http://www.argent-sexe.com/cac-40.html

6 http://www.alternativelibertaire.org/?Clients-de-la-prostitution

Convergence des luttes : faisons dérailler le train-train !

Chaque année où des mouvements sociaux se déclenchent, les syndicats alternatifs nous ressortent de leur tiroir leur rengaine sur la convergence des luttes. L’idée en soit serait même plutôt séduisante, si elle n’était pas à la fois incantatoire et dénuée de substance.

Il s’agit ici de faire une critique constructive de cette démarche, souvent impulsée par des syndicats dits « de lutte » qui vise si on en croit leurs porte-drapeau à faire se regrouper des luttes afin d’être « plus nombreux, donc plus forts face aux gouvernements ». La convergence des luttes se borne à cet égard souvent à tenter de faire juxtaposer des luttes à caractère corporatiste dans l’espoir qu’une multiplication des fronts soit porteuse de victoires sociales. Sans caricaturer non plus ces organisations en leur prêtant une analyse indigente, nous ne pouvons que mettre en exergue les limites du « tous ensemble » comme une volonté unitaire nivelée par le compromis, vide de sens révolutionnaire, à défaut d’avoir une direction au mieux réformiste.

Tentative de bilan critique de la « convergence des luttes»

D’aucuns mettront en exergue en premier lieu, que si la convergence des luttes ne prend pas réellement, c’est du fait du blocage systématique des bureaucraties syndicales. On ne peut effectivement qu’abonder dans ce sens, en ne se privant pas néanmoins de préciser que c’est là leur raison d’exister en tentant aujourd’hui de garder le monopole de l’expression des mécontentements. Pour cela il leur faut canaliser toute forme de révolte qui entendrait se soustraire ici et maintenant à leurs directives, coloriées de paritarisme et de collaboration de classe.

Aujourd’hui, même si la démarche visant à appeler à la convergence des luttes apparaît comme l’unique forme, se voulant radicale, d’un dépassement de la spirale de défaite dans laquelle est embourbée le mouvement social, elle n’en sort pas pour autant des formes figées de la contestation. Elle reste diligentée souvent par des appareils syndicaux, même s’il s’agit d’appareils alternatifs comme les SUD.

Malgré tout, on peut apporter à ce propos critique, une touche d’optimisme, du fait que dans de nombreuses grandes villes des tentatives de dépassement de ces formes figées de la lutte ont eu lieu au printemps dernier. Ces tentatives peuvent être illustrées par un recours récurrent aux blocages économiques portant la volonté de vraiment faire mal au système en neutralisant ponctuellement ses flux économiques et humains (gares, transports, voies publiques, routes…) Et même si on peut toujours en relativiser l’impact, ces actions entendaient porter atteinte à l’impunité économique et à l’apparente pacification sociale. Pour le coup, de même que pour les comités d’usagers solidaires des grévistes du rail, il s’agit plus d’actions menées par des militants actifs des divers secteurs en lutte que d’une réelle convergence. On pourra toujours nous objecter leur caractère minoritaire, et le peu de résonance qu’elles ont pu avoir chez les autres salariés où précaires, elles ont en tous cas régulièrement pris pour cible le système économique et son protecteur étatique, et représentent clairement une tentative de sortir d’une forme de contestation sclérosée.

Dans ce sens, des collectifs comme l’Interlutte à Toulouse, ont vu le jour. Ce collectif avait pour modeste ambition d’ouvrir un espace de rencontre pour les divers acteurs des luttes, comme préalable à toute convergence. L’Interlutte a ainsi tenté par le maintien d’assemblées générales hebdomadaires, et une articulation quasi systématique entre réflexions et actions directes, de faire émerger une pratique autonome de la lutte sociale anticatégorielle plus que inter-catégorielle.

Nous ne pouvons pas non plus éluder les luttes ouvrières où d’autres formes de liens ont été tissés, même s’ils n’ont pas pris le nom de « convergence ». Là aussi, même si les pressions et la répression ont eu raison de la résistance des ouvriers en grève, ces derniers n’en ont pas moins tenté et souvent réussi de construire des ponts entre leur lutte respective comme on a pu le voir entre les ouvriers de Freescale et de Molex, où les grévistes se rendaient régulièrement aux piquets de grève des uns et des autres. Pour citer un autre exemple, il y eut aussi les tentatives de regroupement des usines en luttes du secteur des métaux, souvent impulsée par des syndicats oppositionnels de la CGT. Cela en fit souvent une pratique de solidarité émanant de la base plus qu’une convergence, qui entendait extirper la lutte de son isolement aussi généré par la totale incurie des divers syndicats. Cela permit entre autres de mettre en avant autre chose que la revendication locale, de raviver l’affrontement de classe en mettant en avant la solidarité ouvrière contre les patrons, voyous ou pas, sans oublier au passage les parasites actionnaires.

Penser le dépassement

Ces exemples, aussi différents que la solidarité de classe, ou les collectifs d’individus en lutte, nous incite à entrevoir et penser un dépassement des formes figées de la contestation. Cela signifie oeuvrer pour un dépassement des syndicats qui trop souvent entretiennent la pacification des conflits sociaux. Pourtant, historiquement les Bourses du travail regroupant les syndicats locaux dans un esprit interprofessionnel, portaient réellement un dépassement du corporatisme. Aujourd’hui à l’intérieur d’une même confédération, il ne reste plus que des traces de cette solidarité interprofessionnelle.

Nous devons alors défendre l’autonomie des luttes, seule possibilité d’avoir un maximum de chances de gagner.

L’objectif ne doit donc pas se borner au « tous ensemble » cher à l’extrême gauche, mais porter en lui le mépris de l’autorité, identifier les ennemis et vouloir en finir avec eux et le monde catastrophique qu’ils gouvernent. Voici l’horizon vers lequel doivent tendre nos combats, et ce sans aucune espèce de croyance en un grand soir messianique.
Le constat est que les divers mouvements portant l’idée de convergence, tout aussi sincères furent-ils, n’ont en rien sorti la contestation du chemin que lui a balisé le pouvoir, l’encristant encore plus dans la spirale de la régression sociale. Plus que d’une convergence nous avons régulièrement affaire à de la juxtaposition, au nom d’attaques ayant la même source, mais en ne mettant que trop rarement en cause l’aspect corporatiste.
Même du côté des luttes étudiantes, qui sont encore des espaces propices à l’expression révolutionnaire où la volonté de converger semble la plus affûtée, le corpus revendicatif reste malgré tout beaucoup trop catégoriel.
Tout cela fait de la « convergences des luttes » telle qu’elle est portée, une somme de couleuvres avalées au nom de la sacro-sainte unité et du nombre qu’elle porterait en elle.
Les regroupements doivent se faire hors du compromis et en pensant la convergence non pas comme le moyen de satisfaire les diverses revendications catégorielles portées par les secteurs en lutte mais comme la méthode qui fait voler en éclat le repli corporatiste, impasse du mouvement social, et permet de porter le fer classe contre classe, par une pratique désaliénée.

Même si la situation actuelle du mouvement social ne paraît pas propice à une réalisation effective de ce dépassement des formes de lutte figées, comme de celui des syndicats qui canalisent bon an mal an les colères, les antagonismes de classe apparaissent néanmoins comme plus que jamais à vif.

De recomposition de la gauche en création de nouveau parti, les politiciens entretiennent les illusions démocratiques et essaient de surfer sur la vague des mécontentements et de la misère sociale. Un autre futur passera par un autre biais, par la capacité des individus à s’auto-organiser en dehors et contre la politique.

Ainsi, la radicalisation des luttes ouvrières avec l’identification du patron comme un ennemi, le retour d’ « illégalismes » mettant la lumière sur des conditions d’existence de plus en plus insoutenables et l’intensification des luttes à caractère autogestionnaire représentent diverses tentatives de répondre à la violence de l’Etat et du capital, même si elles sont peu fructueuses pour le moment. Ces tentatives sont encourageantes et doivent servir de base pour les conflits à venir en gardant comme pratique l’interaction constante entre les objectifs émancipateurs qu’on se fixe et les moyens autogérés auxquels on recourt.

Groupe Albert Camus