La crise : une affaire de dividendes

Depuis l’éclatement de la dernière bulle boursière, les industriels déroulent toutes sortes de plans avec pour seul objectif celui de maintenir la profitabilité de leurs entreprises. La « crise » est arrivée à point nommé pour leur permettre de justifier la continuation et l’aggravation de politiques mises en oeuvre depuis plusieurs années. Depuis une dizaine d’années en effet les cibles de bénéfices nets après impôts se conjuguent à deux chiffres : 10 % de bénéf sinon il faut tailler dans le lard !

Délocalisations, multilocalisations, concentrations, fusions, fermetures de sites vont bon train pour satisfaire la voracité des « actionnaires ».

En France la mise en œuvre de la semaine de 35 heures a déjà été le prétexte de gains colossaux de productivité, au mépris la plupart du temps de la santé physique et mentale des salarié-es. Les cadences infernales, la pression du résultat sont devenus ou redevenus le lot quotidien de millions de travailleurs. Le « stress au travail » est devenu un phénomène de société, objet d’étude incontournable pour la médecine du travail. Du « travailler moins pour travailler tous » on est très rapidement passé au « travailler plus pour produire toujours plus ».

Pour faire passer la pilule les patrons ont développé la culture du résultat financier. Qualité et Productivité sont devenus à grand renfort de formation et de propagande l’affaire de toutes et de tous. Les salariés se sont transformés en collaborateurs étroitement associés à la performance de l’Entreprise. Individualisation des carrières, progression et augmentations au mérite, tout a été fait pour que chacun et chacune des employés se croient partie prenante des bons résultats, obtenus au prix de l’effort collectif.

Il n’est pas étonnant que dans ces conditions, les salarié-es victimes des plans de licenciements massifs de ces derniers mois se sentant floués par ceux-là mêmes qui ne tarissaient pas d’éloges sur leur efficacité au travail, réagissent vivement. Bon nombre des entreprises qui licencient, en particulier les grandes, le font pour maintenir et même pour augmenter la croissance de leurs bénéfices.

Licenciements : faire payer les patrons

Ceux et celles qui n’ont jamais été dupes des beaux discours du patronnat se voient rejoints par les arnaqués de la crise et même par les déçus du « travailler plus pour gagner plus ». Ecoeurés par les frasques des traders et autres golden boys, trompés et abusés par leurs patrons, les licencié-es ne se font pas d’illusions. Contrairement à ce que l’on voyait il y a quinze ou vingt ans, plus personne aujourd’hui ne se mobilise pour « la sauvegarde de l’emploi et de l’outil de travail ». L’objectif pour celles et ceux qui sont jetés dehors comme des kleenex, c’est de faire payer les patrons. Partout il s’agit en fin de compte de faire cracher des indemnités de licenciement les plus élevées possible. C’est la moindre des choses en effet que de vouloir faire payer payer les patrons : ceux-là mêmes qui lorsqu’ils se font virer partent avec des parachutes dorés et qui se gavent depuis toujours sur le dos du plus grand nombre. C’est ce constat sans aucun doute qui provoque l’indignation des licencié-es et aussi de ceux qui vont rester pour se taper le boulot avec toujours plus de pression.

La colère et encore plus le désespoir sont à la source de la rudesse de bon nombre des conflits qui ont fait la une des journaux ces derniers mois.

Les confédérations syndicales, se retranchant habilement derrière l’indépendance et la responsabilité des sections syndicales, se gardent bien cependant de relayer et d’amplifier les exigences légitimes des salarié-es en lutte pour leur survie matérielle et pour leur dignité. Pourtant les manifestations des premiers mois de 2009 ont bien montré qu’il y a du potentiel en terme de mouvement social dans notre pays, ce qui est plutôt porteur d’espoir. Elles ont montré également, ce qui est plutôt désespérant, que la majorité des citoyens mécontents du sort qui leur est fait s’en remettent encore et toujours à l’unité syndicale et aux dirigeants des confédérations représentatives pour régler les problèmes à leur place, sans se soucier de l’institutionnalisation de plus en plus patente de ces structures. On connait la suite : les manifestations sans perspective se sont essouflées et les licencié-es se retrouvent chacun dans leur coin pour vendre leur peau le plus cher possible.

Le temps malheureusement joue pour les patrons et déjà la reprise s’amorce pour le plus grand bonheur des brasseurs de pognon. Les salarié-es quant à eux n’ont pas fini d’en baver.

Agir pour ne plus subir

Au vu des scandales financiers à répétition et des soubresauts politico-industriels que cela engendre, la tentation est grande de se dire que le système se prend les pieds dans le tapis. Le capitalisme serait voué à s’effondrer victime de ses contradictions. La presse en fait des gros titres et des dossiers pour vendre du papier et les marxistes de tous poils en font des tonnes pour se refaire une santé politique. Les agités du mégaphone n’en sont pas à une contradiction près : en même temps qu’ils nous annoncent la mort inéluctable du capitalisme, ils appellent à « taxer les patrons ».

En attendant que les patrons se laissent taxer, les exploité-es n’en finissent pas de payer la facture du 20ème siècle. Le mouvement ouvrier s’est fourvoyé en s’en remettant aux stratégies de la social-démocratie. Ceux qui n’étaient pas d’accord ont été laminés, écrasés sous les coups conjugués du fascisme et de l’hégémonie marxiste. La porte était grande ouverte pour le libéralisme économique dont nous subissons les effets quotidiennement. De guerres mondiales en révolutions trahies et perdues, l’idée même de Révolution sociale s’en est trouvée complètement décrédibilisée.

Même écrasés par la toute puissance du système capitaliste, il y a toujours de bonnes raisons de ne pas sombrer dans le pessimisme. Des femmes luttent en Afghanistan et ailleurs contre la domination masculine et l’oppression religieuse. Des sans-papiers se mettent en grève en Californie ou en France. Des sans-logis ouvrent des squatts. Des hommes et des femmes se rebellent et défient l’Autorité à Oaxaca et ailleurs. Il y a dans toutes ces luttes des dénominateurs communs : le refus de l’arbitraire, la lutte pour la dignité humaine, la lutte pour la liberté inaliénable de vivre et de s’épanouir, la lutte pour l’égalité des droits.

C’est une nécessité : il faut agir pour ne pas, pour ne plus subir. Il faut lutter pour en finir avec un monde fondé sur les inégalités économiques et sociales.

Lutter pour un autre futur

Les luttes auxquelles il nous est donné de participer actuellement sont quasi exclusivement des luttes défensives. Gagner dans ces conditions c’est bien souvent perdre moins que prévu ce qui n’est pas dynamisant. Dans les luttes que nous évoquions plus haut s’il est question de faire payer les patrons, il n’est pas question de remettre en cause la production et ses finalités. Force est de constater que les militants qui posent les problèmes en ces termes sont peu ou pas entendus du tout. L’émergence des préoccupations écologistes aurait pu être l’occasion de remettre en cause le productivisme effréné. Le système dominant a eu tôt fait de récupérer l’écologie : le vert se vend de mieux en mieux et devient une source de profit comme les autres. Quant à l’écologie politique, il lui reste surtout la politique : la politique autrement reste de la politique politicienne, celle qui compte ses voix et ses sièges dans les institutions.

Pourtant il n’y a pas d’autre alternative : pour construire un autre futur il faut contester non pas les effets mais les fondements du système. On ne construira pas une société juste et solidaire si l’on n’en finit pas avec le capitalisme, ce système qui repose sur l’imposture du productivisme à croissance infinie.

La question de la finalité de la production est en effet fondamentale : dans nos usines, dans nos quartiers il y a urgence à débattre du « qui produit quoi ?» et du « qui produit pour qui ?».

L’objectif premier de la production industrielle et agricole aujourd’hui n’est pas la satisfaction des besoins de l’humanité mais l’enrichissement d’une minorité de profiteurs. La puissance du système est telle qu’il est même en capacité de créer des besoins et d’orienter la consommation, pour mieux remplir les poches des nantis. C’est ce cercle vicieux du profit et des profiteurs qu’il faut casser.

C’est sur ce questionnement que nous pourrons jeter les bases de la Révolution sociale nécessaire pour construire une société fondée sur l’égalité économique et sur la solidarité.

Les partis de gauche ont depuis longtemps abandonné toute velléité révolutionnaire. L’extrême-gauche s’évertue quant à elle prendre la place laissée vacante par un parti communiste qui n’en finit pas de crever. Comme les autres, elle cultive l’illusion de l’électoralisme, pendant que les verts de toutes tendances cultivent la peur des changements climatiques. Tous autant qu’ils sont font le jeu du système en même temps que celui de leurs partis.

Comme le dit une chanson connue :

Il n’est pas de sauveurs suprêmes :
Ni Dieu, ni césar, ni tribun,
Producteurs, sauvons-nous nous-mêmes !

C’est bien en prenant notre droit de choisir ce que nous produisons, pour qui et comment nous le produisons que nous pourrons construire un autre futur : libertaire et solidaire.

Jérôme, Groupe Albert Camus (Toulouse)

Printemps lycéen : impressions sur les luttes dans l’Éducation.

Léo et Numa sont lycéens en première au lycée Pierre d’Aragon de Muret dans la banlieue Toulousaine. Ils ont été très impliqués dans les luttes de mars/avril/mai 2008 sur un lycée qui est le plus important de l’académie Midi-Pyrénées.

I&AL : Léo et Numa, comment a débuté votre lutte sur le lycée Pierre d’Aragon?

Numa : Vers la mi-mars les professeurs ont commencé à débrayer des classes pendant 1 heure pour ne pas perdre de jours de salaire. Nous on avait déjà bougé auparavant sur les projets de lois « Pécresse » avec les étudiants et tout ça… Donc on a commencé par créer quelques AG pour se mobiliser puis on a mis en place quelques actions symboliques comme l’enterrement de l’Éducation au rectorat…

I&AL : Rapidement, vous avez essayé de structurer le mouvement pour toucher plus de monde sur le lycée?

Numa : « Structurer », il faut relativiser… On a fait pas mal d’AG, on a organisé des débats, des soirées interactives…

Léo : Une fois, on a organisé une « nuit d’occupation lycée » avec des débats/discussions entre les profs, parents d’élèves, élèves, et une autre fois, on a organisé une soirée mi-mai, jusqu’à 23h00, sur le même principe, pour se coordonner et réfléchir sur les suites du mouvement.

I&AL : Vu de l’extérieur, on a quand même senti que le mouvement avait du mal à se lancer, non?

Numa : Carrément! Au niveau lycéen on n’ a jamais réussi à dépasser les 5000 en manif avant les vacances de Pâques, à peu près…

Léo : Mais quand même, sur la durée ça a tenu, on n’ a pas « rien fait » depuis février, y a eu des actions et ça rompt radicalement avec ce qui se passait pendant « Pécresse » où ça n’a duré que 2 mois maxi.

I&AL : Donc là, après quelques mois passés, on sent encore chez les lycéens, une volonté de continuer le travail commencé avec les étudiants à l’automne, je me trompe?

Léo : Ben déjà, c’est grâce à ça, qu’on a été mis au courant sur les lois, ils nous ont aidés techniquement en nous prêtant des mégaphones, pour organiser des AG, ils ont fait des interventions pendant les AG et ça a été déterminant.

I&A : Vous disiez qu’il y avait des bons rapports avec les parents d’élèves, l’administration, les profs?

Léo : Avec ce mouvement-là, contre les suppressions de postes, on a eu vraiment du monde derrière nous. L’administration, elle ne disait rien mais c’était déjà le signe qu’elle acceptait notre lutte, y avait les parents d’élèves, les profs, alors que pendant « Pécresse » y avait que nous.

Numa : L’administration, elle était avec nous au début mais dès qu’il a fallut durcir le mouvement, elle s’est affolée, ils nous courraient après, « non non!… Arrêtez-vous!… ».

I&AL : Dès le départ, vous avez eu une affirmation politique anarchiste dans le mouvement?

Léo : Oui! Oui!

Numa : Dans ce mouvement oui, on s’est clairement revendiqués, on proposait dans les AG qu’il y ai des mandats impératifs, et que ce soit des mandatés de l’AG qui portent les revendications à l’administration par exemple.

I&AL : Et votre appartenance politique comment elle était perçue par l’ensemble?

Léo : C’est vrai qu’il y a toujours des personnes qui ont des clichés sur les anarchistes donc ils sont toujours répulsés par nous mais à force d’en parler, de parler avec les gens sur nos idées, on a peut être permis de changer certains avis et de fait certaines personnes nous ont rejoints et elles constituent un noyau assez conséquent aujourd’hui sur le lycée Aragon.

Numa : il y a même des personnes qui se disaient apolitiques et qui ont découvert involontairement que leurs pratiques correspondaient à celles qu’on proposait souvent et qu’il leur manquait juste un terme à poser dessus.

I&AL : La nécessité de se tourner vers l’anarchisme organisé, vers une organisation politique ou syndicale a-t-elle était évidente?

Numa : Il faut dire que quand on est lycéen agir en « autonome » c’est dur, et en plus on se rend compte que tout seul on peut rien faire.
Léo : C’est pour ça qu’au début on a cherché rapidement des contacts, avec la CGA ou la CNT pour voir ce qu’ils faisaient de leur côté et comment ils pouvaient nous aider, voir ce qu’on pouvait faire ensemble.

I&AL : Personnellement, comment en êtes-vous venues à l’anarchisme?

Numa : C’est assez vieux… Au début je me suis plus tourné vers l’extrême gauche mais quand j’ai vu les méthodes de ces partis, à la LCR et tout ça, ça m’a pas trop plu. Je me suis un peu cultivé justement sur des mouvements comme la révolution Russe en 1917 ou les pratiques trotskistes sont bien visibles et je me suis dis que là ça le faisait pas…

I&AL : Et concrètement, dans la lutte, ces pratiques tu as pu les rencontrer?

Numa : Ah oui… Là (rires), là on voit qu’ils ont rien perdu du tout! La LCR c’est, « cassez-vous avec vos drapeaux noirs ou on vous défonce la gueule! ».

I&AL : Vous aviez créé une Coordination des Lycées Toulousains (CLT), chose très intéressante d’un point de vue anarchiste, fédéraliste, est-ce que ces attitudes ont eu des répercutions jusque-là?

Léo : C’est vrai que c’était un outil très intéressant, parce que ça nous a permis de nous coordonner entre lycées.

Numa : Mais c’était dans un but plus pratique que politique… La répartition était assez équilibrée entre anarchistes et trotskistes, et y avait des « autonomes » plus ou moins bourgeois ou radicaux selon les lycées. Ce qui nous amenait à faire des actions pratiques avec des objectifs politiques très limités. Car ça avait du mal à passer. En plus, très souvent, les JCR ne respectaient pas les mandats des AG de la CLT donc…

Léo : Ça n’allait pas au-delà du mouvement, ça ne s’inscrivait pas dans la durée.

I&AL : Et toi Léo, comment tu es venu à l’anarchisme?

Léo : Moi, personnellement, c’était il y a quelques années, j’étais encore au collège, et avec un ami, on avait les mêmes idées politiques et on avait dès le départ essayé de créer un petit journal pour y mettre toutes nos idées, des projets pour la vie future, comment on pouvait organiser mieux la société pour pas qu’elle soit dans le bordel dans lequel elle est. Puis au fil du temps je me suis aperçu que c’était assez proche de l’anarchisme, donc après je me suis cultivé, un peu comme Numa, j’ai lu pas mal de trucs, pas mal d’articles sur ce que c’était, sur les idées et puis voilà.

I&AL : Donc, en lisant des journaux, des productions anarchistes comme des livres…?

Léo : Ouais voilà, mais surtout grâce à internet.

Propos recueillis par Hervé du groupe Albert Camus de Toulouse.

Retraites: L’insupportable concept de solidarité!

De quoi s’agit-il? L’augmentation du nombre de salariés retraités par rapport aux salariés actifs rendrait impossible le financement des retraites sur les bases actuelles, entendons le système dit « par répartition ». Posons un regard critique sur la façon dont nos dirigeants envisagent de « résoudre ce problème » et non de « prendre en compte cette demande de financement du système de sécurité sociale ». Le choix des mots prend ici toute son importance!

 

Quelques données socio-économiques. Entre 1980 et 2000, la productivité des salariés français a été multipliée par 3. En conséquence, un salarié et 2 retraités produisent autant en 2007 que 3 salariés en 1980! Le système de retraite par répartition pourrait donc supporter un ratio retraités/salariés trois fois plus élevé en 2007 qu’en 1980. Alors, à qui profitent ces gains de productivité? Pourquoi, alors que nous produisons de plus en plus, la richesse produite suffit de moins en moins? Dans la même période 1980-2000, la part des salaires est passée de 70% du PIB à 60%. Ceci signifie que 10% du chiffre d’affaires de l’entreprise France a été pris aux salariés, pour être distribué à d’autres, les actionnaires, les parasites du corps social! Alors que les retraites représentent aujourd’hui 13% du PIB, elles devraient représenter 15% du PIB en 2050. Peuchère! Mais peut-être le chiffre le plus important: plus de 250 milliards d’Euros sont distribués aux retraités français tous les ans, de quoi attiser bien des convoitises!

 

Comment diviser pour mieux régner. Nous voyons au travers de ces chiffres que l’aspect démographique n’est pas la seule donnée à prendre en compte. Pourtant, on n’entend parler dans les médias nationaux que de cet aspect du problème. Nous ne sommes pas surpris de la technique utilisée, tant elle est monnaie courante dans nos médias aux ordres. Qui veut tuer son chien prétend qu’il a la rage! En l’occurence, il s’agit de tuer le concept de solidarité inter-générationnelle qu’est la retraite par répartition. En 1945, lorsque le Conseil National de la Résistance a porté le projet de Sécurité Sociale, il avait pour objectif de couvrir l’ensemble de la société, en englobant les régimes spéciaux qui avaient été créés avant guerre. Les égoïsmes corporatifs ont joué à plein, et le principe « Chacun cotise selon ses revenus et reçoit selon ses besoins » n’a jamais pu être mis en oeuvre. Aujourd’hui, le non aboutissement de ce concept de justice sociale constitue l’angle d’attaque de la remise en cause des retraites par répartition. En effet, les bénéficiaires des régimes spéciaux nous sont présentés comme des privilégiés. Cette notion de privilège est bien sûr insultante lorsqu’on qualifie ainsi des salariés qui, une fois retraités, auront à peine de quoi vivre décemment. On sait bien que les véritables privilèges se situent ailleurs, mais en posant la question de la sorte, il en résulte une division au sein de la société, et cette division permet de « casser » la solidarité éventuelle entre les « régimes normaux » et les « régimes spéciaux ». Il n’y a plus qu’à remettre en cause les régimes spéciaux sous le regard gauguenard du citoyen moyen qui est bien content que le bâton ne frappe pas (encore) son échine.

 

Et les syndicats dans tout ça? Pendant que le puissant mouvement de contestation de novembre au sein de la SNCF et de la RATP était discrédité par les médias, les représentants syndicaux étaient déjà en train de négocier le recul social, alors qu’il n’y avait rien à négocier. L’absence de projet de société, l’acceptation du seul rôle d’accompagnateur des réformes, conduisent les secrétaires de ces confédérations à se faire les alliés objectifs des réformateurs. C’est l’un d’eux, le secrétaire général de la CGT, qui affirmait à l’antenne de France-Inter tout en brandissant la menace d’une grève de 24h: « La réforme ne passera pas dans ses contours actuels ». A entendre ces mots, on sait déjà que celui-ci a renoncé, et qu’il tentera d’entraîner dans son renoncement tout le syndicat qu’il représente. La base aura beau tenter de durcir le conflit, la division émanant du pouvoir syndical fera son effet, et un semblant de négociation permettra d’isoler les radicaux et ainsi d’entériner la réforme. Ces attitudes syndicales ne sont pas encourageantes. Pourtant, quel autre outil que le syndicat pourrait fédérer les volontés d’action et pour contrecarrer les régressions sociales dont nous sommes tous victimes?

 

Dénoncer leur projet. Le principe « Chacun cotise selon ses revenus, et reçoit selon ses besoins ». est insupportable pour les capitalistes de tous poils. Pour eux, les relations entre les individus ne doivent être que marchandes, et la solidarité est un concept à détruire, comme ils veulent détruire ce mécanisme économique de répartition des richesses à grande échelle que constitue la sécu (santé, retraite, famille). Et ceci pour deux raisons éssentielles: -1- En transformant les cotisations obligatoires redistribuées au fur et mesure des prélèvements en assurances individuelles dont la redistribution serait décalée dans le temps, il est possible de mettre la main sur un capital énorme. -2- Les patrons de tous bords qui attendent avec impatience une n-ième réduction des prélèvements sociaux qui améliorerait leur compétitivité internationale.

 

La solidarité reste à construire. Les régimes spéciaux de retraite ne sont ni plus ni moins injustifiés que les différences de salaires au cours de la vie active. Nos vies sont faites d’inégalités, et nous en sommes conscients. Défendre les régimes spéciaux de retraite n’a de sens que dans une perspective plus large de permettre à toute la populatuion d’accéder à un meilleur niveau de vie. Le danger est grand de vouloir raisonner sur les mêmes bases que nos « comptables ». Ceci conduit au « réalisme politique » qui transforme le syndicat en une machine à broyer les espoirs de ses militants. S’attaquer aux régimes spéciaux de retraite peut être vu comme une stratégie du gouvernement, qui lui permet de mesurer la capacité de réaction des bastions syndicaux de la SNCF et de la RATP. Si ces réformes passent, alors il pourra mettre les bouchées doubles dès les municipales passées.

 

La « tatchérisation » de la France s’est nettement accélérée avec l’arrivée au pouvoir de Sarkozy et nous sommes dépourvus d’organisation syndicale à la fois combative et massive. Il sera donc difficile de contrecarrer les mesures anti-sociales qui vont s’égrener après les municipales. Nous, Anarchistes, ne pouvons que faire ce constat désolant, tout en poursuivant avec optimisme la construction d’organisations politiques et syndicales à même de développer dans la société l’esprit révolutionnaire. Soyons de plus en plus nombreux à appeler à une rupture: Solidarité populaire contre individualisme forcené.

Toulouse – groupe Albert Camus