Massacres … et Etat d’urgence !

 

BataclanDes massacres odieux…
Deux semaines après de nouveaux massacres commis par des religieux fanatiques, passé le choc de l’émotion, de  l’indignation devant l’ignoble barbarie, le temps est maintenant à l’expression.
De tels actes n’ont évidemment aucune justification, quelle qu’elle soit.
Certain-e-s pourront trouver des explications ou des motivations implicites d’ordres divers ; c’est une fois de plus par cécité, par manque d’assurance, voire de fermeté  politique conduisant inévitablement à des positionnements chaotiques.

Des causes bien réelles…
Les raisons profondes de tels actes se nourrissent  effectivement d’un  certain nombre de causes facilement décelables pour le commun des mortels.
Citons ici, sans les hiérarchiser,  les « systèmes iniques », lesquels sans exception aucune s’établissent sur ce que nous nommons DOMINATION.
La vie des Humains est ainsi encadrée par le capitalisme, l’affairisme, les religions, les nationalismes, les
Gouvernants etc.
Le  nationalisme, lequel  à côté d’un  attachement naturel au  lieu de naissance, au  mode d’existence, à  une  façon particulière de parler et d’agir, se réfère par-dessus tout à sa capacité à produire des groupes, des classes sociales et les  hiérarchies qui s’y rattachent…  Le nationalisme, à la racine, est destructeur et réactionnaire.  C’est  un produit de l’action de l’Etat et des  élites dirigeantes.
L’évolution sociale des peuples ne peut pas être coincée dans d’étroites  frontières restreintes, celles de l’Etat-Nation sans nuire aux individus qui y « survivent ». Les frontières qui nous séparent, nous divisent, nous opposent.
Le recours aux conflits entre nations, à la guerre, devient alors très souvent – trop souvent – une conséquence  devant laquelle les dirigeants ne reculent pas. Ils n’hésitent pas à s’y engager. Il faut préciser du reste qu’en réalité ils n’hésitent pas à engager leurs peuples.
Les guerres sont source de mort, de souffrance, d’exil. Au final, des territoires et des pays peuvent changer de mains, mais des potentats remplacent d’autres potentats et les peules restent opprimés comme ils l’étaient auparavant.  Seuls les drapeaux  et les dirigeants changent mais les systèmes, les conditions sociales iniques et les hiérarchies subsistent !
Le  capitalisme poursuit son œuvre destructrice de la vie humaine en privilégiant ses intérêts propres. Les capitalistes, quelle que soit leur nationalité, poursuivent un même et unique but : faire des affaires s’enrichir au détriment des classes exploitées… Le commerce des armes, les conflits et les guerres  qui l’alimentent  n’ont jamais été des obstacles à l’attitude d’une inhumaine inconséquence du capitalisme.  Ainsi, les capitalistes peuvent s’y vautrer sans aucune espèce de retenue.
Les conséquences… Ce n’est pas leur affaire !
Les religions, toutes les religions, ont été pourvoyeuses de conflits, de  guerres internes et/ou extérieures et, par le biais des dogmes et injonctions qu’elles véhiculent, se sont souvent sinon toujours posées comme des justifications aux  actes les plus barbares auxquels les peuples ont été confrontés. C’est une évidence qu’il est difficile de mettre en doute, les religions sont encore aujourd’hui  des obstacles à la prise de conscience des individus de l’état social, de l’état économique, de l’état culturel dans lesquels ils se trouvent  plongés. Aucune espèce de projets de vie, sinon un ascétisme et la « promesse d’un au-delà paradisiaque », un paradis pour  après… et encore à la condition d’avoir été « un bon croyant ».
Difficile dès lors qu’il y a à la fois  choix et  encombrement.   Chacun nous raconte  sans sourciller qu’il y a un seul Dieu, un seul prophète, et pour chacun d’eux un guide particulier …
Les gouvernants enfin nous distillent des discours qui tendent en premier lieu à dédouaner les uns et les autres des responsabilités bien réelles qui sont les leurs.
En premier lieu ils dénoncent les actes barbares qui sont perpétrés et s’empressent de signaler que les acteurs de tels massacres sont des « terroristes », des individus « qui se servent de la religion », « des ignares, individus primaires et sans conscience » écartant ainsi toute attache avec un des fondements de la Domination : le recours au religieux.
Ils n’évoquent pas les conséquences des conflits et des guerres et même s’emploient à intensifier leur participation aux actes guerriers, aujourd’hui en Irak et en Syrie,  en bombardant des populations civiles, même si ces dernières ne sont pas « les cibles ».
Ils parlent d’unité nationale… Ils font chanter la marseillaise… Et ils agitent les trois couleurs…
Le fascisme rampant, dans une telle situation, peut faire son miel et les apprentis autoritaires et fascisants ne
s’en privent pas !

Etat d'urgenceEtat d’urgence… Urgences d’Etat
Les gouvernants finissent par tisser le  maillage sécuritaire déjà existant, destiné nous disent-ils à éviter toute tentation terroriste…
Contrôles aux frontières renforcés… Présence policière et militaire  décuplée… Sécuritaire partout…
Arsenal de lois liberticides qui s’enchevêtrent et qui font d’un pays, d’un continent, un vaste camp de surveillance, sinon une prison.
L’Etat d’urgence, après une période initiale de 15 jours s’est  vu porté  à 3 mois par un vote quasi unanime des représentants de l’Assemblée nationale et du Sénat dans les jours qui ont suivi les attentats…
Des perquisitions par centaines, des assignations à résidence par dizaines, l’interdiction de rassemblements et de manifestations sans autre forme de procès s’installent dans le paysage de la dite République.
La raison invoquée par les élus et le gouvernement pour justifier ce qui constitue une mise entre parenthèses du « droit » au profit de l’arbitraire administratif, c’est la menace terroriste qui pèse sur le pays.
Nous sommes légitimes à nous poser cette question : « Qu’adviendra-t-il dans 3 mois ? » « La  menace terroriste aura-t-elle disparu ? »  Sûrement pas ! « L’état d’urgence sera-t-il levé ? »  On peut penser que non.

Les urgences réelles
Si urgence il y a, c’est bien de dénoncer l’état d’urgence qui vient s’ajouter comme une cerise sur le gâteau de la loi sur le renseignement ou plutôt sur le mille-feuille des lois sécuritaires et liberticides qui s’empilent depuis des années.
Si urgence il y a, c’est bien de défendre nos libertés pour défendre la Liberté avec un grand L :
• Face à la barbarie du fascisme religieux,
• Face à l’incurie des états va-t-en guerre,
• Face à la tyrannie capitaliste,
• Face à la surveillance généralisée.

Ce constat et cette volonté pleins de bon sens et de lucidité doivent conduire à résister aux discours des politiciens de tous bords qui surfent sur la peur encore et toujours. Leur discours est assez simple finalement : restez chez vous, faites ce qu’on vous dira de faire, on s’occupe de tout !
A ce jeu-là les libertés ne valent pas cher et il n’y aura jamais de sécurité pour les citoyen-ne-s que nous sommes.
Nous n’en voulons que pour preuves les interdictions des manifestations et rassemblements de revendications sociales et nous pouvons y ajouter les  descentes policières  faites chez des militant-e-s zadistes ou les détracteurs de la grande messe de la COP 21.
Ajoutons à cela,  les arrestations de manifestant-e-s à Paris, dimanche 30 novembre, arrestations et poursuites faisant suite à la marche pour le climat (COP 21)…
Et pendant ce temps là,  les échanges commerciaux continuent et  les profits restent garantis. C’est ainsi que les marchés de Noël, à Paris, à Strasbourg et  les soldes  ont  bien lieu et sont sécurisés.

De la même manière que nous condamnons tous les actes barbares et les assassinats aveugles et toutes les violences dirigées contre les populations civiles, nous  nous élevons avec la même vigueur contre  ces agissements des politiques, lesquels surfant sur de faux prétextes,  s’attachent à légitimer des atteintes à nos libertés et font de nous des spectateurs mineurs.
Nous affirmons ici que nous refusons  leurs guerres, celles qui engendrent nos morts !

Organisation Anarchiste
Novembre 2015

Communiqué – Les dé-fédérés de la CGA

Réunion du 28 novembre 2015 à Toulouse

Après s’être réunis une première fois à Toulouse, le 6 juin,  les groupes de Carcassonne, du Comminges (Nosotros), de Perpignan (G.A.P.A.) et de Toulouse (G.A.A.C.), auxquels s’est adjointe la liaison de Grenoble, se sont retrouvés le 29 novembre dans la ville rose.
Les discussions ont porté sur la suite à donner à notre dé-fédération de la CGA, dé-fédération survenue au cours du premier trimestre de l’année 2015.

* Nous avions décidé, en juin, de faire paraître un journal numérique : Infos & Analyses Libertaires. C’est aujourd’hui chose faite. La première livraison d’IAL est visible sur « http://infosetanalyseslibertaires.org »

* Les débats que nous avons eus, riches et approfondis,  nous ont  permis  d’aboutir, de manière unanime, à la création d’Organisation  Anarchiste (O.A.) en définissant un calendrier de réunions qui nous conduira, à la rentrée de septembre 2016, à un congrès  constitutif  de ce nouveau regroupement.
Autogestionnaire dans son principe, O.A., regroupement de militant-e-s anarchistes, s’emploiera  à développer, le plus largement possible, les grandes lignes de l’anarchisme militant.
Nos efforts de divulgation de ces idées généreuses, trop souvent méconnues et très souvent caricaturées,  porteront entre autres choses sur l’anti-électoralisme, l’antiétatisme, l’athéisme militant,  l’antifascisme,   l’anticapitalisme et   l’anti-patriarcat.
Le recours à la notion de « lutte des classes » et notre souci d’être présent-e-s au sein des luttes sociales et sociétales se feront non sans prendre soin de lutter dans le même temps   contre les thèses postmodernes et contre les effets néfastes qu’elles produisent au sein des courants et organisations de contestation de l’ordre sociétal actuel.
O.A. sera  à coup sûr le support des idées, informations et propositions qui s’opposent à toutes les formes de domination, d’exploitation et de pouvoir et à tout ce qui engendre l’exploitation et la misère, tout en défendant l’idée d’autogestion généralisée.
Dès à présent, celles et ceux qui seraient intéressé-e-s par notre démarche et qui voudraient participer, à nos côtés, à sa concrétisation, peuvent  entrer en contact avec nous.

Organisation Anarchiste
oa@infosetanalyseslibertaires.org

Groupe Anarchiste Albert Camus
Mel : groupe.albert.camus@gmail.com
36, rue de Cugnaux 31300 Toulouse
Permanences les Mardi de 18H30 à 19H30

Groupe Nosotros
Mel : nosotros1936@yahoo.fr

Groupe Anarchiste de Carcassonne
Mel : groupecarcassonne@gmail.com

Groupe Anarchiste Puig Antich
Mel : contact@groupe-puig-antich.info
Librairie Infos : 2, rue Théodore Guiter à Perpignan (près de la place des Poilus)
Permanences : Samedi de 15H à 19H

Initiative Anarchiste et Libertaire
Mel : grenoble.ial@gmail.com

Liaisons Région parisienne et Gers : écrire à O.A.

Les groupes signataires
(G.A.C.) Carcassonne
(Nosotros) Comminges
(G.A.P. A.) Perpignan
(G.A.A.C.) Toulouse
(I.A.L.) Grenoble

Pour une sexualité libre et gratuite

Pénalisation de la prostitution, légalisation de la prostitution

Texte de positionnement du groupe Albert Camus de Toulouse.

Le système prostitutionnel au cœur des systèmes de domination (sexiste, capitaliste et raciste)

La prostitution peut être considérée comme « l’usage, contre rémunération, du corps des femmes par les hommes, dans leur intérêt »1 ou bien comme une activité caractérisée par un contact sexuel, une rémunération liée à cette ‘prestation’ et la nature répétée ou habituelle de l’activité2. On parle de système prositutionnel ou de fait prostitutionnel car son existence et son évolution ne peut se réduire aux seul-e-s individu-e-s qui le composent.

La majorité des personnes qui se prostituent sont des femmes et la majorité des consommateurs sont des hommes. La prostitution offre la possibilité aux hommes de bénéficier d’un « service » sexuel marchand dans le cadre d’un rapport structurellement inégalitaire, où la sexualité n’est envisagée qu’au prisme du pseudo plaisir masculin. Il ne s’agit pas pour nous de nier la complexité des situations, tant du point de vue des profiteurs (clients, proxénètes) que des personnes prostituées, mais de resituer la prostitution dans le cadre d’un système global d’échanges économico-sexuels, avec ses profiteurs et ses exploité-e-s.

Un grand nombre des personnes prostituées sont issues de pays pauvres et sont sous la coupe des trafiquants et des proxénètes. Si les chiffres varient d’une étude à l’autre3, elles n’en constituent pas moins l’écrasante majorité des prostituées. On ne peut donc pas évoquer la question de la prostitution sans comprendre les raisons politiques et économiques qui conditionnent la traite des être humains. Les États sont les meilleurs alliés des proxénètes, en limitant les conditions d’accès à la nationalité par des contraintes juridiques complexes, plaçant d’innombrables personnes en situation de clandestinité. Les proxénètes en profitent allègrement, en instrumentalisant l’illégalité de l’immigration pour exercer des violences physiques et/ou symboliques envers les femmes migrantes (qui n’ont pas toutes pour projet de se prostituer4) et les mettre sous tutelle forcée.

Sous l’effet conjugué de la mondialisation libérale et d’une certaine libéralisation sexuelle, l’industrie du sexe s’est considérablement développée en Europe de l’Ouest. Ce commerce juteux comprend la prostitution sous toutes ses formes (les services d’escorte, les clubs de striptease, les « bars d’entraîneuses », certains « salons de massages », cyberprostitution …) la pornographie, le téléphone rose, les journaux et magazines spécialisés … Au total, ces différents échanges à caractère sexuel rapportent un chiffre d’affaires de plusieurs dizaines de milliards d’euros au niveau mondial, certaines sociétés se payant même le luxe d’être cotées en bourse5.

Abolir la prostitution ou « nettoyer » les villes

Les conditions de vie sociale et économique, les politiques de limitation de l’immigration, les rapports sociaux empreints de domination masculine sont autant de raisons de voir aujourd’hui encore la prostitution exister et se développer.

Outre son caractère illusoire, la pénalisation sous toutes ses formes ne règle en rien les conditions socio-économiques des personnes prostituées et les rend davantage vulnérables.

Dans la droite ligne de la LSI de 2003 qui punit le racolage actif et passif et qui prétendait déjà protéger les prostituées, le gouvernement PS prétend combattre l’exploitation sexuelle en poursuivant les clients. Cette pénalisation n’a pour seul effet que de pousser à la clandestinité les personnes prostituées, de les reléguer loin des contrôles policiers et donc souvent dans des zones isolées où elles sont davantage soumises à la violence des clients. De plus, elles auront un accès plus difficile aux soins et aux aides proposés par les différentes associations qui agissent auprès des prostituées. Enfin, cette potentielle répression envers les clients obligera les personnes prostituées à proposer un service « au rabais » (rapports non-protégés, tarif à bas coûts) pour éviter une intervention policière6.

Derrière les discours faussement féministes du gouvernement, la nouvelle loi dite de pénalisation des clients aura pour unique effet de débarrasser les villes de la prostitution en espérant rassurer les électeurs-trices, sans se soucier des lourdes conséquences qu’elle aura sur les prostituées.

Légalisation de la prostitution : vers un capitalisme patriarcal

Les revendications de certaines personnes prostituées en faveur d’une légalisation de la prostitution qui permettrait d’obtenir les droits sociaux liés à tout travail licite, ne résolvent pas plus la question. Nous soutenons évidement les revendications tendant à demander que l’ensemble des individu-e-s bénéficient des mêmes droits sociaux élémentaires permettant à chacun-e de vivre de façon la plus décente possible dans ce système profondément inégalitaire. En revanche que ces droits sociaux soient liés à l’exercice de ce qui est nommé en l’espèce « travail du sexe » ne tient pas compte de l’ensemble des situations des prostituées.

S’il est caricatural de dire que toutes les prostituées sont dépendantes d’un souteneur, ou soumises à un réseau de traite, il est tout aussi faux de prétendre qu’elles bénéficieraient toutes des avantages d’une légalisation. Si la prostitution est exercée « librement » par certaines, elle reste un esclavage pour d’autres. Certaines prostituées disent en effet ne pas vouloir être enfermées dans un statut qui signifierait pour elles une légitimation d’une activité qu’elles exercent sous contrainte ou par contrainte. La légalisation de la prostitution légitimerait ce type d’activité en tant qu’activité marchande.

Puisque le système capitaliste et l’Etat en feraient un service légal, l’existence de ce service serait légitime. Les représentations machistes sur la sexualité masculine en seraient davantage confirmées : besoins naturels « irrépressibles » de sexualité, volonté de pallier aux carences conjugales… Ce service s’intégrant dans une économie capitaliste, il devient technique, se transforme en loisir où le client choisit sa prestataire selon le meilleur rapport qualité/prix. Le client peut même s’il le souhaite, comme l’ont écrit certaines prostituées, acheter uniquement un échange verbal avec une travailleuse du sexe.

La prostitution transforme un rapport humain en rapport marchand et sa légalisation servirait l’industrie du sexe (cf. le développement des Eros center dans les pays qui l’ont réglementé). Elle ne résout en rien les conditions d’existence de beaucoup de prostituées qui ne pourraient bénéficier d’un statut parce que sans papiers ou victimes de réseaux mafieux.

La légalisation aurait par ailleurs des conséquences sur l’ensemble des femmes et des individu-e-s. S’il est possible pour quelques femmes d’en faire leur travail indépendant ou salarié, il sera alors possible que le système exige que n’importe quelle femme exerce potentiellement ce travail là (les annonces Pôle emploi pour des emplois d’hôtesse nous prouve qu’il ne s’agit pas de politique-fiction).

Travail du sexe : le trompe-l’œil d’une sexualité libérée

La prostitution repose sur le fondement patriarcal de nos sociétés qui institue une socialisation des hommes comme dominants. Dans cette socialisation on apprend aux hommes qu’il est possible de payer pour vivre leurs sexualités. La prostitution s’appuie sur la représentation séculaire du désir masculin en termes de besoin. En témoigne la mise en place des bordels de campagne, ou les services que l’industrie du sexe est capable de mettre en place autour des événements sportifs, ou même plus récemment la façon dont le débat sur la demande d’assistant sexuel auprès des personnes handicapées a pu dériver. Observons qu’il n’y a pas d’équivalent proposé aux femmes. Cette représentation sur la sexualité des hommes qui serait, un besoin, qui plus est un besoin que la société toute entière doit se soucier d’assouvir est particulièrement tenace. Il s’agit d’une légitimation d’une sexualité déresponsabilisée des hommes. Des femmes sont mises à disposition des hommes pour assouvir leur soit disant « besoin » alors qu’il s’agit de désir, désir qui s’exerce dans un contexte social et économique inégalitaire entre les hommes et les femmes, donc inégalitaire dans le rapport prostitutionnel.

La socialisation des femmes en dominées, elle, repose sur l’idée qu’il y a de bonnes et de mauvaises femmes : les bonnes étant celles qui sont hétéro, mères ou s’apprêtent à le devenir, disposées à faire fonctionner le privé en y travaillant ou en y faisant travailler d’autres femmes et qui, pourrait-on ajouter dans notre société occidentale, restent belles mais pas trop…

Les mauvaises femmes bien évidemment sont celles que l’on stigmatise, celles qu’il ne faut surtout pas devenir : les « putes ». Ces dernières sont seules tacitement autorisées à afficher sans limite leur corps et la promesse d’une sexualité qu’elles vendent comme étant la leur mais qui est surtout celle des hommes-clients. La prostitution témoigne donc de cette division entre femmes, produite par le système de domination masculine. Outil de hiérarchie donc, qui freine voire empêche toute solidarité.

Afficher une sexualité marchande représente-il une libération sexuelle pour tous et toutes ? La transformation d’un acte sexuel en service sexuel rémunéré a depuis toujours servi le morcellement des corps et une érotique mécanique. La prostitution a nécessité la codification des actes sexuels pour en définir leur valeur marchande. Elle divise les corps en parties ayant une plus ou moins grande valeur ajoutée, en parties sur lesquelles il faut exercer son érotisme. Comment voir une libération dans cette Economie du corps. Si cette vision de la sexualité l’emporte, si elle devient légale, il est à craindre qu’elle ne devienne encore un peu plus la norme. Le conservatisme sexuel l’emportera au dépend d’une libération sexuelle de tous les individus.

Si la prostitution n’est pas seulement exercée par des femmes, des transgenres ou des hommes homosexuels, ce sont bien des hommes qui en sont quasi exclusivement les clients et des hommes qui sont presque toujours les proxénètes. Cette dissymétrie conforte l’emprise masculine sur le corps des femmes, cet accès au corps des femmes à des fins jouissives, composante majeure de la hiérarchie.

La prostitution : l’affaire de toutes et tous

L’abolition de la prostitution ne peut se proclamer du jour au lendemain et ne se réglera pas par une quelconque pénalisation, fusse-t-elle des individus qui ont une responsabilité évidente dans son existence, les clients. Les propos moralistes qui consistent à stigmatiser la prostitution en la qualifiant d’activité honteuse ou à simplifier les situations qui ont amené les personnes à entrer dans la prostitution ne régleront pas davantage cette question sociale.

La prostitution est le produit des systèmes de domination tout autant qu’elle alimente ces systèmes. Aussi, il est important de distinguer la question politique que pose la prostitution de la question sociale que posent certaines prostituées. Si la prostitution représente pour la plupart un moyen de subsistance et pour certaines une activité exercée « librement », elle est aussi un moyen concret et symbolique de soumettre l’ensemble des femmes à l’ordre sexuel dominant. Il s’agit donc d’une question qui concerne tou-te-s les individu-e-s et plus particulièrement l’ensemble des femmes.

Pour une sexualité libre et gratuite

Il ne s’agit évidemment pas de réprimer le fait que certain-e-s individu-e-s et en particulier des femmes passent leur temps à avoir une activité sexuelle affichée, plurielle dans ses formes comme dans ses partenaires. En dehors de tout système de domination, il s’agirait là de libertinage. Mais le libertinage n’a rien de comparable à un service sexuel surtout quand celles qui le pratiquent le revendique comme « travail du sexe ».

Par sa construction sociale et historique la prostitution et/ou le travail du sexe s’ancrent dans une démarche de marchandisation d’un service sexuel répondant aux exigences normatives du système patriarcal. Si les maux du capitalisme et du patriarcat ne se guérissent pas à coup de lois, certaines les creusent un peu plus. Un statut légalisant la prostitution enfermerait davantage tous les individus dans l’ordre sexuel dominant.

Sur cette question comme sur les autres, les revendications immédiates ne peuvent s’envisager qu’au regard du projet politique anarchiste à long terme. Réglementer la prostitution c’est concéder à l’État une légitimité pour légiférer sur le statut du corps et de la sexualité.

Est-ce que l’on veut la généralisation de la forme prostitutionnelle des rapports humains ou veut-on persévérer dans l’action transformatrice de la société et des rapports sociaux ?

Aujourd’hui face à la précarité sociale et économique, seule la régularisation de tou-te-s les sans-papiers, le refus de toute autre forme de pénalisation de la prostitution, l’égalité économique et sociale pour toutes et tous permettront de lutter contre l’exploitation sexuelle sous toutes ses formes.

1 http://www.sos-sexisme.org/infos/systeme.htm

2 http://www.sos-sexisme.org/Prostitution%20SITE.htm

3 70% selon le rapport Prostitution et Mondialisation. Mondialisation des origines, hétérogénéité des parcours et processus identitaires, Saïd Bouamama (dir.), Jessy Cormont, et Yvon Fotia, IFAR, Amicale du Nid, Altair, RAIH, Paris, Amicale du Nid, 2007, p. 117 (en ligne : http://sereconstruireetsinserer.e.s.f.unblog.fr/files/2008/05/interieur.pdf)

4 Ibid. (voir source précédente)

5 http://www.argent-sexe.com/cac-40.html

6 http://www.alternativelibertaire.org/?Clients-de-la-prostitution