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Printemps lycéen : impressions sur les luttes dans l’Éducation.

Léo et Numa sont lycéens en première au lycée Pierre d’Aragon de Muret dans la banlieue Toulousaine. Ils ont été très impliqués dans les luttes de mars/avril/mai 2008 sur un lycée qui est le plus important de l’académie Midi-Pyrénées.

I&AL : Léo et Numa, comment a débuté votre lutte sur le lycée Pierre d’Aragon?

Numa : Vers la mi-mars les professeurs ont commencé à débrayer des classes pendant 1 heure pour ne pas perdre de jours de salaire. Nous on avait déjà bougé auparavant sur les projets de lois « Pécresse » avec les étudiants et tout ça… Donc on a commencé par créer quelques AG pour se mobiliser puis on a mis en place quelques actions symboliques comme l’enterrement de l’Éducation au rectorat…

I&AL : Rapidement, vous avez essayé de structurer le mouvement pour toucher plus de monde sur le lycée?

Numa : « Structurer », il faut relativiser… On a fait pas mal d’AG, on a organisé des débats, des soirées interactives…

Léo : Une fois, on a organisé une « nuit d’occupation lycée » avec des débats/discussions entre les profs, parents d’élèves, élèves, et une autre fois, on a organisé une soirée mi-mai, jusqu’à 23h00, sur le même principe, pour se coordonner et réfléchir sur les suites du mouvement.

I&AL : Vu de l’extérieur, on a quand même senti que le mouvement avait du mal à se lancer, non?

Numa : Carrément! Au niveau lycéen on n’ a jamais réussi à dépasser les 5000 en manif avant les vacances de Pâques, à peu près…

Léo : Mais quand même, sur la durée ça a tenu, on n’ a pas « rien fait » depuis février, y a eu des actions et ça rompt radicalement avec ce qui se passait pendant « Pécresse » où ça n’a duré que 2 mois maxi.

I&AL : Donc là, après quelques mois passés, on sent encore chez les lycéens, une volonté de continuer le travail commencé avec les étudiants à l’automne, je me trompe?

Léo : Ben déjà, c’est grâce à ça, qu’on a été mis au courant sur les lois, ils nous ont aidés techniquement en nous prêtant des mégaphones, pour organiser des AG, ils ont fait des interventions pendant les AG et ça a été déterminant.

I&A : Vous disiez qu’il y avait des bons rapports avec les parents d’élèves, l’administration, les profs?

Léo : Avec ce mouvement-là, contre les suppressions de postes, on a eu vraiment du monde derrière nous. L’administration, elle ne disait rien mais c’était déjà le signe qu’elle acceptait notre lutte, y avait les parents d’élèves, les profs, alors que pendant « Pécresse » y avait que nous.

Numa : L’administration, elle était avec nous au début mais dès qu’il a fallut durcir le mouvement, elle s’est affolée, ils nous courraient après, « non non!… Arrêtez-vous!… ».

I&AL : Dès le départ, vous avez eu une affirmation politique anarchiste dans le mouvement?

Léo : Oui! Oui!

Numa : Dans ce mouvement oui, on s’est clairement revendiqués, on proposait dans les AG qu’il y ai des mandats impératifs, et que ce soit des mandatés de l’AG qui portent les revendications à l’administration par exemple.

I&AL : Et votre appartenance politique comment elle était perçue par l’ensemble?

Léo : C’est vrai qu’il y a toujours des personnes qui ont des clichés sur les anarchistes donc ils sont toujours répulsés par nous mais à force d’en parler, de parler avec les gens sur nos idées, on a peut être permis de changer certains avis et de fait certaines personnes nous ont rejoints et elles constituent un noyau assez conséquent aujourd’hui sur le lycée Aragon.

Numa : il y a même des personnes qui se disaient apolitiques et qui ont découvert involontairement que leurs pratiques correspondaient à celles qu’on proposait souvent et qu’il leur manquait juste un terme à poser dessus.

I&AL : La nécessité de se tourner vers l’anarchisme organisé, vers une organisation politique ou syndicale a-t-elle était évidente?

Numa : Il faut dire que quand on est lycéen agir en « autonome » c’est dur, et en plus on se rend compte que tout seul on peut rien faire.
Léo : C’est pour ça qu’au début on a cherché rapidement des contacts, avec la CGA ou la CNT pour voir ce qu’ils faisaient de leur côté et comment ils pouvaient nous aider, voir ce qu’on pouvait faire ensemble.

I&AL : Personnellement, comment en êtes-vous venues à l’anarchisme?

Numa : C’est assez vieux… Au début je me suis plus tourné vers l’extrême gauche mais quand j’ai vu les méthodes de ces partis, à la LCR et tout ça, ça m’a pas trop plu. Je me suis un peu cultivé justement sur des mouvements comme la révolution Russe en 1917 ou les pratiques trotskistes sont bien visibles et je me suis dis que là ça le faisait pas…

I&AL : Et concrètement, dans la lutte, ces pratiques tu as pu les rencontrer?

Numa : Ah oui… Là (rires), là on voit qu’ils ont rien perdu du tout! La LCR c’est, « cassez-vous avec vos drapeaux noirs ou on vous défonce la gueule! ».

I&AL : Vous aviez créé une Coordination des Lycées Toulousains (CLT), chose très intéressante d’un point de vue anarchiste, fédéraliste, est-ce que ces attitudes ont eu des répercutions jusque-là?

Léo : C’est vrai que c’était un outil très intéressant, parce que ça nous a permis de nous coordonner entre lycées.

Numa : Mais c’était dans un but plus pratique que politique… La répartition était assez équilibrée entre anarchistes et trotskistes, et y avait des « autonomes » plus ou moins bourgeois ou radicaux selon les lycées. Ce qui nous amenait à faire des actions pratiques avec des objectifs politiques très limités. Car ça avait du mal à passer. En plus, très souvent, les JCR ne respectaient pas les mandats des AG de la CLT donc…

Léo : Ça n’allait pas au-delà du mouvement, ça ne s’inscrivait pas dans la durée.

I&AL : Et toi Léo, comment tu es venu à l’anarchisme?

Léo : Moi, personnellement, c’était il y a quelques années, j’étais encore au collège, et avec un ami, on avait les mêmes idées politiques et on avait dès le départ essayé de créer un petit journal pour y mettre toutes nos idées, des projets pour la vie future, comment on pouvait organiser mieux la société pour pas qu’elle soit dans le bordel dans lequel elle est. Puis au fil du temps je me suis aperçu que c’était assez proche de l’anarchisme, donc après je me suis cultivé, un peu comme Numa, j’ai lu pas mal de trucs, pas mal d’articles sur ce que c’était, sur les idées et puis voilà.

I&AL : Donc, en lisant des journaux, des productions anarchistes comme des livres…?

Léo : Ouais voilà, mais surtout grâce à internet.

Propos recueillis par Hervé du groupe Albert Camus de Toulouse.

Retraites: L’insupportable concept de solidarité!

De quoi s’agit-il? L’augmentation du nombre de salariés retraités par rapport aux salariés actifs rendrait impossible le financement des retraites sur les bases actuelles, entendons le système dit « par répartition ». Posons un regard critique sur la façon dont nos dirigeants envisagent de « résoudre ce problème » et non de « prendre en compte cette demande de financement du système de sécurité sociale ». Le choix des mots prend ici toute son importance!

 

Quelques données socio-économiques. Entre 1980 et 2000, la productivité des salariés français a été multipliée par 3. En conséquence, un salarié et 2 retraités produisent autant en 2007 que 3 salariés en 1980! Le système de retraite par répartition pourrait donc supporter un ratio retraités/salariés trois fois plus élevé en 2007 qu’en 1980. Alors, à qui profitent ces gains de productivité? Pourquoi, alors que nous produisons de plus en plus, la richesse produite suffit de moins en moins? Dans la même période 1980-2000, la part des salaires est passée de 70% du PIB à 60%. Ceci signifie que 10% du chiffre d’affaires de l’entreprise France a été pris aux salariés, pour être distribué à d’autres, les actionnaires, les parasites du corps social! Alors que les retraites représentent aujourd’hui 13% du PIB, elles devraient représenter 15% du PIB en 2050. Peuchère! Mais peut-être le chiffre le plus important: plus de 250 milliards d’Euros sont distribués aux retraités français tous les ans, de quoi attiser bien des convoitises!

 

Comment diviser pour mieux régner. Nous voyons au travers de ces chiffres que l’aspect démographique n’est pas la seule donnée à prendre en compte. Pourtant, on n’entend parler dans les médias nationaux que de cet aspect du problème. Nous ne sommes pas surpris de la technique utilisée, tant elle est monnaie courante dans nos médias aux ordres. Qui veut tuer son chien prétend qu’il a la rage! En l’occurence, il s’agit de tuer le concept de solidarité inter-générationnelle qu’est la retraite par répartition. En 1945, lorsque le Conseil National de la Résistance a porté le projet de Sécurité Sociale, il avait pour objectif de couvrir l’ensemble de la société, en englobant les régimes spéciaux qui avaient été créés avant guerre. Les égoïsmes corporatifs ont joué à plein, et le principe « Chacun cotise selon ses revenus et reçoit selon ses besoins » n’a jamais pu être mis en oeuvre. Aujourd’hui, le non aboutissement de ce concept de justice sociale constitue l’angle d’attaque de la remise en cause des retraites par répartition. En effet, les bénéficiaires des régimes spéciaux nous sont présentés comme des privilégiés. Cette notion de privilège est bien sûr insultante lorsqu’on qualifie ainsi des salariés qui, une fois retraités, auront à peine de quoi vivre décemment. On sait bien que les véritables privilèges se situent ailleurs, mais en posant la question de la sorte, il en résulte une division au sein de la société, et cette division permet de « casser » la solidarité éventuelle entre les « régimes normaux » et les « régimes spéciaux ». Il n’y a plus qu’à remettre en cause les régimes spéciaux sous le regard gauguenard du citoyen moyen qui est bien content que le bâton ne frappe pas (encore) son échine.

 

Et les syndicats dans tout ça? Pendant que le puissant mouvement de contestation de novembre au sein de la SNCF et de la RATP était discrédité par les médias, les représentants syndicaux étaient déjà en train de négocier le recul social, alors qu’il n’y avait rien à négocier. L’absence de projet de société, l’acceptation du seul rôle d’accompagnateur des réformes, conduisent les secrétaires de ces confédérations à se faire les alliés objectifs des réformateurs. C’est l’un d’eux, le secrétaire général de la CGT, qui affirmait à l’antenne de France-Inter tout en brandissant la menace d’une grève de 24h: « La réforme ne passera pas dans ses contours actuels ». A entendre ces mots, on sait déjà que celui-ci a renoncé, et qu’il tentera d’entraîner dans son renoncement tout le syndicat qu’il représente. La base aura beau tenter de durcir le conflit, la division émanant du pouvoir syndical fera son effet, et un semblant de négociation permettra d’isoler les radicaux et ainsi d’entériner la réforme. Ces attitudes syndicales ne sont pas encourageantes. Pourtant, quel autre outil que le syndicat pourrait fédérer les volontés d’action et pour contrecarrer les régressions sociales dont nous sommes tous victimes?

 

Dénoncer leur projet. Le principe « Chacun cotise selon ses revenus, et reçoit selon ses besoins ». est insupportable pour les capitalistes de tous poils. Pour eux, les relations entre les individus ne doivent être que marchandes, et la solidarité est un concept à détruire, comme ils veulent détruire ce mécanisme économique de répartition des richesses à grande échelle que constitue la sécu (santé, retraite, famille). Et ceci pour deux raisons éssentielles: -1- En transformant les cotisations obligatoires redistribuées au fur et mesure des prélèvements en assurances individuelles dont la redistribution serait décalée dans le temps, il est possible de mettre la main sur un capital énorme. -2- Les patrons de tous bords qui attendent avec impatience une n-ième réduction des prélèvements sociaux qui améliorerait leur compétitivité internationale.

 

La solidarité reste à construire. Les régimes spéciaux de retraite ne sont ni plus ni moins injustifiés que les différences de salaires au cours de la vie active. Nos vies sont faites d’inégalités, et nous en sommes conscients. Défendre les régimes spéciaux de retraite n’a de sens que dans une perspective plus large de permettre à toute la populatuion d’accéder à un meilleur niveau de vie. Le danger est grand de vouloir raisonner sur les mêmes bases que nos « comptables ». Ceci conduit au « réalisme politique » qui transforme le syndicat en une machine à broyer les espoirs de ses militants. S’attaquer aux régimes spéciaux de retraite peut être vu comme une stratégie du gouvernement, qui lui permet de mesurer la capacité de réaction des bastions syndicaux de la SNCF et de la RATP. Si ces réformes passent, alors il pourra mettre les bouchées doubles dès les municipales passées.

 

La « tatchérisation » de la France s’est nettement accélérée avec l’arrivée au pouvoir de Sarkozy et nous sommes dépourvus d’organisation syndicale à la fois combative et massive. Il sera donc difficile de contrecarrer les mesures anti-sociales qui vont s’égrener après les municipales. Nous, Anarchistes, ne pouvons que faire ce constat désolant, tout en poursuivant avec optimisme la construction d’organisations politiques et syndicales à même de développer dans la société l’esprit révolutionnaire. Soyons de plus en plus nombreux à appeler à une rupture: Solidarité populaire contre individualisme forcené.

Toulouse – groupe Albert Camus

Loi sur l’immigration ou quand l’Etat se fait complice des violences faites aux femmes

En juillet 2004, Fatia se marie dans un consulat français au Maroc avec un français. En septembre, elle vient en France avec un visa. Après plusieurs récépissés, elle obtient une carte de séjour « vie privée et familiale », en tant que conjoint de français, d’un an renouvelable avec autorisation de travail. Elle trouve un emploi comme agent d’entretien. Son mari exerce des violences conjugales : l’insulte, contrôle ses déplacements, l’empêche d’appeler sa famille au Maroc, la frappe… Elle porte plainte et fait faire un certificat médical. Son mari s’excuse et elle revient au domicile conjugal. Les violences redoublent, il la menace de ne pas signer son renouvellement de titre de séjour. Après un épisode de violences graves, Fatia décide de quitter le domicile. Au moment du renouvellement de son titre de séjour, Fatia apprend que son mari l’a dénoncée en signifiant à la préfecture qu’il y avait rupture de la vie commune. Fatia fournit les preuves (plainte, certificat, témoignage) des violences pour justifier de cette rupture comme l’exige la loi. Plusieurs mois après, elle se voit notifier un refus de titre de séjour et une invitation à quitter le territoire. La préfecture estime que Fatia n’a pas suffisamment amené de preuves des violences et en outre que la plainte déposée n’a pas été poursuivie par la justice.

La situation de Fatia est celle de centaines de femmes étrangères en France chaque année, victime de la « double violence ». Cette « double violence » peut être la subordination d’un droit au séjour au maintien des liens conjugaux y compris en situation de violences conjugales ou familiales. Elle est aussi le refus du droit au séjour du fait de la non reconnaissance des violences sexistes que les femmes ont subies dans leur pays (viols, violences conjugales ou familiales…). On peut aisément imaginer ce que l’Etat répondrait à Fatia et à toutes les femmes qui subissent la double violence : « L’immigration est aujourd’hui sans rapport avec les capacités d’accueil de la France et ses besoins économiques (…) il faut donc retrouver une maîtrise quantitative des flux migratoires » Voici en tout cas comment Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, motivait la loi du 24 juillet 2006 « relative à l’immigration et l’intégration » qui modifie le CESEDA1. Loi qui poursuit la politique d’immigration choisie qui sévie en France depuis 1974, politique xénophobe, soupçonneuse et utilitariste. Politique qui s’octroie le droit de décider de la vie et des déplacements de milliers de personnes et oppose une logique de quotas à des vies humaines. Si hommes et femmes la subissent de la même façon, la persistance des inégalités entre les hommes et les femmes partout dans le monde et des violences sexistes en France comme ailleurs engendrent des conséquences spécifiques pour les femmes migrantes. Alors que l’Etat prétend lutter contre les violences faites aux femmes à grands renforts médiatiques, la loi sur l’immigration de 2006 aggrave les conditions de vie des femmes étrangères et en particulier de celles qui subissent des violences conjugales. En outre, la politique d’immigration met en œuvre une vision masculine des migrations, les femmes migrantes y sont considérées comme des épouses ou des mères et non comme des individus migrants à part entière et les persécutions sexistes que subissent les femmes dans le monde font peu l’objet d’une reconnaissance du droit d’asile.

Restriction du regroupement familial : 80% des rejoignants sont des femmes

La loi 2006 restreint encore d’avantage les possibilités de regroupement familial. Dans une période de précarisation massive, les conditions de ressources exigées sont encore plus importantes qu’avant. En France, 80% des étrangers qui viennent par regroupement familial sont des femmes. Ce sont donc elles qui vont majoritairement subir ces restrictions et qui migreront hors cadre légal. Elles se retrouveront en situation de précarité et de dépendance vis-à-vis de leur conjoint puisqu’elles n’auront que peu de perspective de régularisation.

A l’inverse, les conditions du regroupement familial sont plus difficiles à réunir pour les femmes vivant en France puisque elles sont employées dans les secteurs et métiers les moins rémunérés et subissent plus massivement des conditions de logement précaire.

Une dépendance accrue vis-à-vis du conjoint : quand la loi sert la violence

D’une manière générale l’obtention d’une carte de résident (10 ans) est rendue encore plus difficile. En particulier pour les conjoints de français et de résidents étrangers puisque la loi allonge la durée de vie commune nécessaire (3 ans) et la carte de résident peut être retirée si la rupture de la vie commune se produit avant quatre années de mariage.

Depuis la loi CESEDA de 2003, il est laissé la possibilité au préfet de renouveler un titre de séjour « lorsque la communauté de vie est rompue à l’initiative de l’étranger en situation de violences conjugales ». Précisons d’abord que cette disposition n’est pas une obligation, qu’elle est laissée au pouvoir discrétionnaire des préfets, donc au plus grand arbitraire. Dans la réalité nombre de préfectures exigent des preuves des violences conjugales qui sont impossibles à fournir du fait de la nature même du phénomène. Les violences conjugales se passent le plus souvent dans le huis clos conjugal, sans témoin. Elles sont une série d’agressions répétées (verbales, psychologiques, physiques) qui ne sont qu’exceptionnellement reconnues par la justice (10% des plaintes sont poursuivies). En outre, si les femmes arrivent à porter plainte, qui plus est, quand elles sont étrangères et sans papiers, ces plaintes sont rarement poursuivies. Or certaines préfectures ont exigé comme preuve une condamnation de l’auteur. Si tous les critères imposés pour l’obtention d’un droit au séjour sont inhumains, que dire de celui qui exige d’exposer les violences subies pour obtenir le droit de vivre sur un territoire donné ? Inutile de préciser que si les femmes victimes de violences conjugales ne portent pas plainte elles sont suspectées de s’être mariées pour obtenir des papiers.

Par ailleurs, cette disposition continue (dans la loi 2006) à ne s’appliquer qu’au renouvellement du titre de séjour. En outre, les femmes qui n’ont pas encore obtenu un titre d’un an ou qui n’ont pas suffisamment de preuves des violences se voient confrontées à un non choix : continuer à subir des violences conjugales ou devenir sans papiers. Tout se passe comme si les préfets s’arrogeaient le droit de juger de l’existence des violences conjugales et de la légitimité qu’a une femme à les dénoncer.

Les situations de « double violence » sont multiples et la loi de juillet 2006 fait perdurer un certain nombre d’entre elles. Par exemple, « l’état de polygamie » est reproché tout autant « aux épouses », et les empêche d’accéder à un titre de séjour. Il est encore demandé aux femmes prostituées de dénoncer leur proxénète si elles veulent obtenir des papiers, qui ne leur sont même pas garantis, dans le mépris le plus total des risques de représailles qu’elles encourent. La double violence est bien un symptôme caractéristique de l’hypocrisie et de l’inhumanité de notre système étatique. Système qui d’une main accorde des droits aux femmes et de l’autre subordonne ces droits à des critères d’accessibilité. Au pays « des droits de l’homme » c’est bien celui de l’Etat à disposer de la vie des gens qui prévaut. Quand l’inhumanité fait loi, luttons contre la « double violence » et rappelons à l’Etat qu’aucun être humain n’est illégal.

Lénaïc, Groupe Albert Camus

 

1- Code d’entrée et de séjour des étrangers en France.