Archives de catégorie : Luttes sociales

Nous ne sommes rien, soyons tout !

Depuis plusieurs semaines, nous, salarié-es, étudiant-es, lycéen-nes, citoyen-nes, exprimons massivement notre rejet de la Loi Travail. Dès les premières manifestations le fond du problème a été clairement posé : sous couvert de modernisation du marché du travail c’est bien de précarisation générali-sée qu’il s’agit. Le gouvernement en place est bien décidé à en finir avec ce qu’il restait de droits aux salarié-es. La Loi travail n’a qu’une seule finalité : libéraliser complètement le marché du travail en rendant faciles et pas chers les licenciements. Une fois que cela sera fait les patrons pourront signer des CDI à la pelle : ils pourront licencier quand ils voudront !
Tout le reste n’est qu’un habillage grossier pour faire diversion et faire semblant de négocier avec les « syndicats responsables et modernes ». Celles et ceux qui ont l’expérience des méthodes patronales en entreprise savent bien qu’il n’y a rien à négocier. Patronat et Gouvernement, bras dessus, bras dessous, s’entendent comme larrons en foire pour nous tondre ce qu’il nous reste de laine sur le dos.
Face à notre rejet conscient et lucide le gouvernement nous lance sa « pédagogie », ses lacrymos, et aussi son incroyable mépris.

Debout les damné-es de la terre ! Du passé faisons table rase !
Une poignée d’oligarques, politiques, économiques et religieux tiennent le monde entre leur griffes et ne sont pas prêts de lâcher prise. Face à cette suffisance, face à ce mépris la coupe est pleine et il faut passer à autre chose.
Les anarchistes appellent depuis toujours à renverser ce monde archaïque, ce modèle de société fondé sur l’inégalité politique et sociale que les gouvernements qui se succèdent défendent au nom d’une modernité derrière laquelle se cachent une ribambelle de profiteurs réactionnaires qui nous saignent et qui planquent le pognon que nous leurs faisons gagner à Panama City et ailleurs.
C’est donc avec plaisir que nous voyons des « gens », plein de « gens », occuper des places publiques et débattre publiquement de toutes sortes de sujets. Ces prises de paroles sont porteuses d’espoir, et nous souhaitons vivement qu’elles soient le début de luttes puissantes et victorieuses.

Le monde doit changer de base
Les citoyen-nes ont leur part de responsabilité dans la débâcle mondialisée : en s’en remettant, élections après élections, aux état-majors politiques, de droite comme de gauche, et aux centrales syndicales pour gérer le monde à leur place et négocier en leur nom.
Alors oui disons le sans détour, il y a urgence à résister  en contestant l’ordre établi avec pour objectif la construction d’un monde nouveau.
Cette construction d’un autre futur ne passera pas par une primaire à gauche ou un « Podemos » français. Faire de la politique autrement passe par encourager et développer la capacité d’auto-organisation des collectifs d’individu-es, qui se battent pour gagner le pouvoir de décision sur leurs vies. L’avenir c’est l’auto-organisation et l’autogestion étendues à tous les domaines de la vie sociale pour que personne ne décide à notre place.
Cela nécessite une révolution radicale de la vie politique comme l’instauration de mandats révocables et la déprofessionalisation des activités politiques. Cela nécessite de remplacer la représentation par la délégation à tous les niveaux de la vie sociale, dans les entreprises,  dans les quartiers et les écoles.

Ensemble, pensons et construisons
la Révolution sociale et libertaire !

 logoOA_0Toulouse, avril 2016
Groupe Albert Camus

Organisation Anarchiste Toulouse
(organisation_anarchiste@infosetanalyseslibertaires.org )

http://toulouse-anarchiste.org
http://infosetanalyseslibertaires.org


TractNousNeSommesRien

Convergence des luttes : faisons dérailler le train-train !

Chaque année où des mouvements sociaux se déclenchent, les syndicats alternatifs nous ressortent de leur tiroir leur rengaine sur la convergence des luttes. L’idée en soit serait même plutôt séduisante, si elle n’était pas à la fois incantatoire et dénuée de substance.

Il s’agit ici de faire une critique constructive de cette démarche, souvent impulsée par des syndicats dits « de lutte » qui vise si on en croit leurs porte-drapeau à faire se regrouper des luttes afin d’être « plus nombreux, donc plus forts face aux gouvernements ». La convergence des luttes se borne à cet égard souvent à tenter de faire juxtaposer des luttes à caractère corporatiste dans l’espoir qu’une multiplication des fronts soit porteuse de victoires sociales. Sans caricaturer non plus ces organisations en leur prêtant une analyse indigente, nous ne pouvons que mettre en exergue les limites du « tous ensemble » comme une volonté unitaire nivelée par le compromis, vide de sens révolutionnaire, à défaut d’avoir une direction au mieux réformiste.

Tentative de bilan critique de la « convergence des luttes»

D’aucuns mettront en exergue en premier lieu, que si la convergence des luttes ne prend pas réellement, c’est du fait du blocage systématique des bureaucraties syndicales. On ne peut effectivement qu’abonder dans ce sens, en ne se privant pas néanmoins de préciser que c’est là leur raison d’exister en tentant aujourd’hui de garder le monopole de l’expression des mécontentements. Pour cela il leur faut canaliser toute forme de révolte qui entendrait se soustraire ici et maintenant à leurs directives, coloriées de paritarisme et de collaboration de classe.

Aujourd’hui, même si la démarche visant à appeler à la convergence des luttes apparaît comme l’unique forme, se voulant radicale, d’un dépassement de la spirale de défaite dans laquelle est embourbée le mouvement social, elle n’en sort pas pour autant des formes figées de la contestation. Elle reste diligentée souvent par des appareils syndicaux, même s’il s’agit d’appareils alternatifs comme les SUD.

Malgré tout, on peut apporter à ce propos critique, une touche d’optimisme, du fait que dans de nombreuses grandes villes des tentatives de dépassement de ces formes figées de la lutte ont eu lieu au printemps dernier. Ces tentatives peuvent être illustrées par un recours récurrent aux blocages économiques portant la volonté de vraiment faire mal au système en neutralisant ponctuellement ses flux économiques et humains (gares, transports, voies publiques, routes…) Et même si on peut toujours en relativiser l’impact, ces actions entendaient porter atteinte à l’impunité économique et à l’apparente pacification sociale. Pour le coup, de même que pour les comités d’usagers solidaires des grévistes du rail, il s’agit plus d’actions menées par des militants actifs des divers secteurs en lutte que d’une réelle convergence. On pourra toujours nous objecter leur caractère minoritaire, et le peu de résonance qu’elles ont pu avoir chez les autres salariés où précaires, elles ont en tous cas régulièrement pris pour cible le système économique et son protecteur étatique, et représentent clairement une tentative de sortir d’une forme de contestation sclérosée.

Dans ce sens, des collectifs comme l’Interlutte à Toulouse, ont vu le jour. Ce collectif avait pour modeste ambition d’ouvrir un espace de rencontre pour les divers acteurs des luttes, comme préalable à toute convergence. L’Interlutte a ainsi tenté par le maintien d’assemblées générales hebdomadaires, et une articulation quasi systématique entre réflexions et actions directes, de faire émerger une pratique autonome de la lutte sociale anticatégorielle plus que inter-catégorielle.

Nous ne pouvons pas non plus éluder les luttes ouvrières où d’autres formes de liens ont été tissés, même s’ils n’ont pas pris le nom de « convergence ». Là aussi, même si les pressions et la répression ont eu raison de la résistance des ouvriers en grève, ces derniers n’en ont pas moins tenté et souvent réussi de construire des ponts entre leur lutte respective comme on a pu le voir entre les ouvriers de Freescale et de Molex, où les grévistes se rendaient régulièrement aux piquets de grève des uns et des autres. Pour citer un autre exemple, il y eut aussi les tentatives de regroupement des usines en luttes du secteur des métaux, souvent impulsée par des syndicats oppositionnels de la CGT. Cela en fit souvent une pratique de solidarité émanant de la base plus qu’une convergence, qui entendait extirper la lutte de son isolement aussi généré par la totale incurie des divers syndicats. Cela permit entre autres de mettre en avant autre chose que la revendication locale, de raviver l’affrontement de classe en mettant en avant la solidarité ouvrière contre les patrons, voyous ou pas, sans oublier au passage les parasites actionnaires.

Penser le dépassement

Ces exemples, aussi différents que la solidarité de classe, ou les collectifs d’individus en lutte, nous incite à entrevoir et penser un dépassement des formes figées de la contestation. Cela signifie oeuvrer pour un dépassement des syndicats qui trop souvent entretiennent la pacification des conflits sociaux. Pourtant, historiquement les Bourses du travail regroupant les syndicats locaux dans un esprit interprofessionnel, portaient réellement un dépassement du corporatisme. Aujourd’hui à l’intérieur d’une même confédération, il ne reste plus que des traces de cette solidarité interprofessionnelle.

Nous devons alors défendre l’autonomie des luttes, seule possibilité d’avoir un maximum de chances de gagner.

L’objectif ne doit donc pas se borner au « tous ensemble » cher à l’extrême gauche, mais porter en lui le mépris de l’autorité, identifier les ennemis et vouloir en finir avec eux et le monde catastrophique qu’ils gouvernent. Voici l’horizon vers lequel doivent tendre nos combats, et ce sans aucune espèce de croyance en un grand soir messianique.
Le constat est que les divers mouvements portant l’idée de convergence, tout aussi sincères furent-ils, n’ont en rien sorti la contestation du chemin que lui a balisé le pouvoir, l’encristant encore plus dans la spirale de la régression sociale. Plus que d’une convergence nous avons régulièrement affaire à de la juxtaposition, au nom d’attaques ayant la même source, mais en ne mettant que trop rarement en cause l’aspect corporatiste.
Même du côté des luttes étudiantes, qui sont encore des espaces propices à l’expression révolutionnaire où la volonté de converger semble la plus affûtée, le corpus revendicatif reste malgré tout beaucoup trop catégoriel.
Tout cela fait de la « convergences des luttes » telle qu’elle est portée, une somme de couleuvres avalées au nom de la sacro-sainte unité et du nombre qu’elle porterait en elle.
Les regroupements doivent se faire hors du compromis et en pensant la convergence non pas comme le moyen de satisfaire les diverses revendications catégorielles portées par les secteurs en lutte mais comme la méthode qui fait voler en éclat le repli corporatiste, impasse du mouvement social, et permet de porter le fer classe contre classe, par une pratique désaliénée.

Même si la situation actuelle du mouvement social ne paraît pas propice à une réalisation effective de ce dépassement des formes de lutte figées, comme de celui des syndicats qui canalisent bon an mal an les colères, les antagonismes de classe apparaissent néanmoins comme plus que jamais à vif.

De recomposition de la gauche en création de nouveau parti, les politiciens entretiennent les illusions démocratiques et essaient de surfer sur la vague des mécontentements et de la misère sociale. Un autre futur passera par un autre biais, par la capacité des individus à s’auto-organiser en dehors et contre la politique.

Ainsi, la radicalisation des luttes ouvrières avec l’identification du patron comme un ennemi, le retour d’ « illégalismes » mettant la lumière sur des conditions d’existence de plus en plus insoutenables et l’intensification des luttes à caractère autogestionnaire représentent diverses tentatives de répondre à la violence de l’Etat et du capital, même si elles sont peu fructueuses pour le moment. Ces tentatives sont encourageantes et doivent servir de base pour les conflits à venir en gardant comme pratique l’interaction constante entre les objectifs émancipateurs qu’on se fixe et les moyens autogérés auxquels on recourt.

Groupe Albert Camus

Retraites: L’insupportable concept de solidarité!

De quoi s’agit-il? L’augmentation du nombre de salariés retraités par rapport aux salariés actifs rendrait impossible le financement des retraites sur les bases actuelles, entendons le système dit « par répartition ». Posons un regard critique sur la façon dont nos dirigeants envisagent de « résoudre ce problème » et non de « prendre en compte cette demande de financement du système de sécurité sociale ». Le choix des mots prend ici toute son importance!

 

Quelques données socio-économiques. Entre 1980 et 2000, la productivité des salariés français a été multipliée par 3. En conséquence, un salarié et 2 retraités produisent autant en 2007 que 3 salariés en 1980! Le système de retraite par répartition pourrait donc supporter un ratio retraités/salariés trois fois plus élevé en 2007 qu’en 1980. Alors, à qui profitent ces gains de productivité? Pourquoi, alors que nous produisons de plus en plus, la richesse produite suffit de moins en moins? Dans la même période 1980-2000, la part des salaires est passée de 70% du PIB à 60%. Ceci signifie que 10% du chiffre d’affaires de l’entreprise France a été pris aux salariés, pour être distribué à d’autres, les actionnaires, les parasites du corps social! Alors que les retraites représentent aujourd’hui 13% du PIB, elles devraient représenter 15% du PIB en 2050. Peuchère! Mais peut-être le chiffre le plus important: plus de 250 milliards d’Euros sont distribués aux retraités français tous les ans, de quoi attiser bien des convoitises!

 

Comment diviser pour mieux régner. Nous voyons au travers de ces chiffres que l’aspect démographique n’est pas la seule donnée à prendre en compte. Pourtant, on n’entend parler dans les médias nationaux que de cet aspect du problème. Nous ne sommes pas surpris de la technique utilisée, tant elle est monnaie courante dans nos médias aux ordres. Qui veut tuer son chien prétend qu’il a la rage! En l’occurence, il s’agit de tuer le concept de solidarité inter-générationnelle qu’est la retraite par répartition. En 1945, lorsque le Conseil National de la Résistance a porté le projet de Sécurité Sociale, il avait pour objectif de couvrir l’ensemble de la société, en englobant les régimes spéciaux qui avaient été créés avant guerre. Les égoïsmes corporatifs ont joué à plein, et le principe « Chacun cotise selon ses revenus et reçoit selon ses besoins » n’a jamais pu être mis en oeuvre. Aujourd’hui, le non aboutissement de ce concept de justice sociale constitue l’angle d’attaque de la remise en cause des retraites par répartition. En effet, les bénéficiaires des régimes spéciaux nous sont présentés comme des privilégiés. Cette notion de privilège est bien sûr insultante lorsqu’on qualifie ainsi des salariés qui, une fois retraités, auront à peine de quoi vivre décemment. On sait bien que les véritables privilèges se situent ailleurs, mais en posant la question de la sorte, il en résulte une division au sein de la société, et cette division permet de « casser » la solidarité éventuelle entre les « régimes normaux » et les « régimes spéciaux ». Il n’y a plus qu’à remettre en cause les régimes spéciaux sous le regard gauguenard du citoyen moyen qui est bien content que le bâton ne frappe pas (encore) son échine.

 

Et les syndicats dans tout ça? Pendant que le puissant mouvement de contestation de novembre au sein de la SNCF et de la RATP était discrédité par les médias, les représentants syndicaux étaient déjà en train de négocier le recul social, alors qu’il n’y avait rien à négocier. L’absence de projet de société, l’acceptation du seul rôle d’accompagnateur des réformes, conduisent les secrétaires de ces confédérations à se faire les alliés objectifs des réformateurs. C’est l’un d’eux, le secrétaire général de la CGT, qui affirmait à l’antenne de France-Inter tout en brandissant la menace d’une grève de 24h: « La réforme ne passera pas dans ses contours actuels ». A entendre ces mots, on sait déjà que celui-ci a renoncé, et qu’il tentera d’entraîner dans son renoncement tout le syndicat qu’il représente. La base aura beau tenter de durcir le conflit, la division émanant du pouvoir syndical fera son effet, et un semblant de négociation permettra d’isoler les radicaux et ainsi d’entériner la réforme. Ces attitudes syndicales ne sont pas encourageantes. Pourtant, quel autre outil que le syndicat pourrait fédérer les volontés d’action et pour contrecarrer les régressions sociales dont nous sommes tous victimes?

 

Dénoncer leur projet. Le principe « Chacun cotise selon ses revenus, et reçoit selon ses besoins ». est insupportable pour les capitalistes de tous poils. Pour eux, les relations entre les individus ne doivent être que marchandes, et la solidarité est un concept à détruire, comme ils veulent détruire ce mécanisme économique de répartition des richesses à grande échelle que constitue la sécu (santé, retraite, famille). Et ceci pour deux raisons éssentielles: -1- En transformant les cotisations obligatoires redistribuées au fur et mesure des prélèvements en assurances individuelles dont la redistribution serait décalée dans le temps, il est possible de mettre la main sur un capital énorme. -2- Les patrons de tous bords qui attendent avec impatience une n-ième réduction des prélèvements sociaux qui améliorerait leur compétitivité internationale.

 

La solidarité reste à construire. Les régimes spéciaux de retraite ne sont ni plus ni moins injustifiés que les différences de salaires au cours de la vie active. Nos vies sont faites d’inégalités, et nous en sommes conscients. Défendre les régimes spéciaux de retraite n’a de sens que dans une perspective plus large de permettre à toute la populatuion d’accéder à un meilleur niveau de vie. Le danger est grand de vouloir raisonner sur les mêmes bases que nos « comptables ». Ceci conduit au « réalisme politique » qui transforme le syndicat en une machine à broyer les espoirs de ses militants. S’attaquer aux régimes spéciaux de retraite peut être vu comme une stratégie du gouvernement, qui lui permet de mesurer la capacité de réaction des bastions syndicaux de la SNCF et de la RATP. Si ces réformes passent, alors il pourra mettre les bouchées doubles dès les municipales passées.

 

La « tatchérisation » de la France s’est nettement accélérée avec l’arrivée au pouvoir de Sarkozy et nous sommes dépourvus d’organisation syndicale à la fois combative et massive. Il sera donc difficile de contrecarrer les mesures anti-sociales qui vont s’égrener après les municipales. Nous, Anarchistes, ne pouvons que faire ce constat désolant, tout en poursuivant avec optimisme la construction d’organisations politiques et syndicales à même de développer dans la société l’esprit révolutionnaire. Soyons de plus en plus nombreux à appeler à une rupture: Solidarité populaire contre individualisme forcené.

Toulouse – groupe Albert Camus